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Concurrencée par le retour au tirage au sort ou les projets de démocratie participative qui invitent à une plus grande implica­tion des citoyens dans un espace public mosaïque, la démocratie électorale résiste, même si on la considère de plus en plus comme une « démocratie de l’abstention ». Le dimanche 23 avril 2017, des millions d’individus se rendront dans des bureaux de vote pour déposer un bulletin dans l’urne et, pour quelques-uns, appuyer sur la touche d’une machine électronique. À 20 heures, les médias s’autoriseront à annoncer les premières tendances. Geste routinier encadré par un dispositif juridique qui échappe au commun, l’acte électoral est paré de cette évidence qui occulte pourtant ce qu’il ne cesse de demeurer : une énigme. Pourquoi votons-nous ? Comment opérons-nous ? Sur quel mode ? Selon quelles injonctions ? À partir de quelques souvenirs puisés dans son propre passé d’« électeur lambda », Laurent Le Gall propose une lecture de ce qui, depuis le début du xixe siècle, a mené à la centralité de l’élection dans notre démocratie républicanisée. Registre de l’opinion, dimensions d’un rite d’institution qui orchestre une communauté éphémère, temporalités de l’opération électorale, poids de la tradition politique… autant de thèmes qui nourriront une approche éclectique d’un « moment du vote » qui ne cesse quelquefois d’échapper aux plus sagaces de ses « commentateurs » médiatiques. De la campagne de Giscard sous l’oeil de Depardon aux tribulations d’une Médiathèque dans le viseur de Rohmer, des fraudes électorales qui pullulèrent sous la IIIe République aux bulletins biffés pour dire non à l’Empire de Napoléon III, du porte-à-porte de Martine Aubry aux agents électoraux des notables recomposant leurs répertoires d’action dans un espace politique professionnalisé, c’est tout un pan de notre façon de faire société qui se donne à lire tant le vote s’impose à nous au nom d’une histoire suffisamment commune… dont le propre serait de nous projeter dans le « jardin des délices démocratiques ».

Laurent Le Gall est professeur d’histoire contemporaine à l’université de Brest. Spécialiste de la politisation des campagnes françaises au xixe siècle et de l’histoire du suffrage universel dans la France contemporaine, il a publié L’électeur en campagnes dans le Finistère. Une seconde République de Bas-Bretons (2009).

Publié le 23 mars 2017 aux éditions Anamosa.