Ministère de la Justice
 
 

27 mars 2017

La coopération européenne en matière judiciaire

La lettre du porte-parole : 27 mars 2017

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Le 25 mars 1957 était signé le traité de Rome. Ce traité, fondateur pour l’Union européenne, a enclenché une coopération judiciaire qui était indispensable.

Soixante ans après ce traité, la coopération judiciaire continue d’évoluer avec la création du parquet européen, avancée majeure qui sera discutée en marge du conseil Justice-affaires intérieures des 27 et 28 mars.

Deux grandes instances juridictionnelles existent au niveau européen :

  • La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), qui siège à Strasbourg, a été instituée en 1959. Elle ne relève pas de l'Union européenne mais du Conseil de l'Europe et assure le respect des engagements souscrits par les États signataires de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

  • La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), qui siège à Luxembourg, est l'une des principales institutions de l'Union européenne. Instance juridictionnelle, elle contrôle la légalité des actes des institutions de l'Union et statue sur le respect, par les États membres, des obligations qui découlent des traités.

Mais la coopération en matière judiciaire recouvre bien d’autres instruments.

Soixante ans de coopération judiciaire européenne

En matière pénale

Différents instruments visent à simplifier l’entraide judiciaire :

Eurojust, créée en 2002. C’est une agence européenne, dont l’objet est de favoriser la coopération en matière judiciaire, notamment en cas de criminalité transfrontalière. Les représentants des États membres à Eurojust coordonnent les autorités nationales à chacune des étapes de poursuites judiciaires, et résolvent les difficultés pratiques engendrées par les différences entre systèmes juridiques

2° Depuis 2004, le mandat d’arrêt européen (MAE) permet une accélération des remises de personne : ce mandat est une demande qui émane d'une autorité judiciaire d’un État membre de l’Union pour l'arrestation d'une personne dans un autre État.

Contrairement à la procédure d’extradition, il ne relève pas de la décision d’un gouvernement. C’est une décision exclusivement judiciaire, ce qui permet une mise en œuvre beaucoup plus rapide.

Dans le cadre d’un MAE, les autorités sont tenues de respecter les droits procéduraux des suspects et des personnes poursuivies (par exemple, le droit de faire appel à un avocat).

mae

 

3° Les équipes communes d’enquête associent des magistrats et des enquêteurs d’au moins deux pays au sein d’une même entité, pour une affaire présentant un intérêt pénal commun. Depuis leur création en 2002, elles ont été utilisées par les autorités françaises à 125 reprises.

4° L’interconnexion des casiers judiciaires a été mise en service en 2012 et permet aux juridictions européennes de connaître le passé judiciaire des ressortissants d’autres Etats membres qui font l’objet d’enquêtes pénales en France.

5° La décision d’enquête européenne, transposée en droit français le 1er décembre 2016. Toute décision d'enquête européenne émanant d’une autorité judiciaire d’un autre État devra être reconnue et exécutée de la même manière, comme s’il s’agissait de la décision d’une juridiction nationale. Cette décision ne pourra être refusée que dans des hypothèses exceptionnelles. La décision d’enquête européenne entrera en vigueur le 22 mai 2017.

6° Les magistrats de liaison, créés en 1993 à l’initiative de la France. Ce sont des magistrats en poste dans un État étranger (européen ou non). Ils facilitent l’entraide judiciaire en matière pénale (terrorisme, criminalité organisée) et civile (déplacements illicites d’enfants, exécution de jugements dans un autre État). Ils permettent également une meilleure connaissance des systèmes judiciaires et mettent en place des actions communes.

Ce renforcement de la coopération passe également par le rapprochement, à défaut d'harmonisation possible, des droits pénaux et procédures pénales des États membres. Ainsi au niveau européen, des règles minimales en matière de droits de la défense, de procédure pénale et de sanctions pénales ont été adoptées, ce qui permet de lutter de manière cohérente lorsque l'infraction revêt une dimension transfrontalière.

magistrats de liaison

 

En matière civile et commerciale

La coopération judiciaire ne se limite pas au droit pénal. L’Union européenne a également permis d’améliorer le quotidien de millions d’européens en favorisant la reconnaissance des décisions civiles :

1° Un règlement de 2001 a amélioré la coopération entre juridictions dans le cadre de l’obtention des preuves en matière civile et commerciale. Ce règlement, entré en vigueur en 2004, offre aux parties et aux tribunaux, une procédure pratique et rapide afin de recueillir des preuves dans un autre État.

2° Depuis 2005, le règlement dit « Bruxelles II bis » permet la reconnaissance mutuelle des décisions de justice en matière matrimoniale, de responsabilité parentale et d’enlèvement d’enfants. Ce règlement est en cours de refonte.

3° Un règlement a été adopté en 2012 pour faciliter le règlement des successions transfrontières (règlement (UE) nº 650/2012). L’interconnexion des registres testamentaires est effective depuis 2015.

4° La protection des données à caractère personnel. Un nouveau règlement, adopté en 2016 (règlement (UE) 2016/679), harmonisera les règles, pour permettre aux citoyens de mieux contrôler leurs données. Il est applicable à partir du 25 mai 2018.

5° La reconnaissance des décisions en matière d’effets patrimoniaux des partenariats enregistrées. Applicable en janvier 2019, ce règlement adopté selon unecoopération renforcée permet d’ assurer une meilleure sécurité juridique pour les couples unis par partenariat enregistré (par exemple le PACS en France), un accès facilité à la justice et une plus grande prévisibilité dans la gestion de leurs biens.

 

Demain, le Parquet européen

Depuis bientôt quatre ans, les discussions sur le projet de parquet européen ont été engagées. L’objectif est de créer une autorité judiciaire européenne chargée des enquêtes et des poursuites contre les fraudes aux intérêts financiers de l’Union, projet sur lequel se sont fortement mobilisées la France et l’Allemagne.

A l’initiative de 17 États membres, le Conseil européen des 9 et 10 mars 2017 a été saisi du projet de règlement portant création du Parquet européen. L’absence d’unanimité des États membres  a ouvert la voie à sa mise en place selon la procédure de la « coopération renforcée ». Les modalités concrètes de cette coopération commenceront à être examinées en marge du conseil Justice-affaires intérieures des 27 et 28 mars.

Le parquet européen luttera contre les fraudes au préjudice du budget de l’Union européenne, qui font perdre des milliards d’euros aux contribuables européens. Les fraudes à la TVA les plus graves ont été incluses dans son champ de compétence (la fraude à la TVA coûte chaque année aux États, une somme estimée à 50 milliards d'euros).

Ce champ pourra être élargi dans un second temps à la lutte contre la criminalité grave ayant une dimension transfrontalière, notamment la lutte contre le terrorisme.

Le parquet européen sera une autorité judiciaire indépendante, dotée de pouvoirs en matière d’enquête et de poursuites, et organisée avec un office central et des échelons décentralisés. Le parquet européen pourra notamment engager des poursuites pénales directement devant les juridictions nationales.

Ce parquet s’incarnera dans un chef du Parquet européen, indépendant vis-à-vis de son État d’origine et des institutions européennes. Il sera associé à un collège composé d’un représentant de chaque pays. Ces représentants seront étroitement associés aux dossiers concernant le pays qu’ils représentent.

 

L'exemple des fraudes aux droits carbone

Durant les années 2008 et 2009, les fraudes aux quotas d’émission de gaz à effet de serre, consistant en des escroqueries massives à la TVA de type carrousel, ont causé un préjudice considérable aux différents États membres de l’Union européenne. Le préjudice subi par les États membres de l’Union se chiffre à environ 5 milliards d’euros (près de 1,6 milliard d’euros pour la France, selon la Cour des comptes).

Á l’échelle européenne, une centralisation des dossiers entre les mains d’un Parquet européen aurait permis de disposer d’une vision globale de tous les dossiers et de faire des liens plus aisément entre eux (y compris entre des enquêtes diligentées au sein de différents États membres). De plus, l’information en amont du Parquet européen par les différentes autorités aurait peut-être permis d’identifier plus rapidement le phénomène de ces fraudes et d’y apporter une réponse globale et adaptée.

De surcroît, la possibilité pour le Parquet européen de diligenter des mesures d’enquêtes transfrontalières, sans passer par les mécanismes de l’entraide entre autorités judiciaires de l’Union européenne, aurait pu permettre une avancée plus rapide et fluide des investigations.

 


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