Ministère de la Justice
 
 

07 mars 2017

La prescription en droit français

La lettre du porte-parole : 7 mars 2017

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La prescription, une notion ancienne

La prescription est depuis toujours un principe essentiel du droit pénal français, héritier du droit romain. Il faut différencier la prescription de l'action publique (temps à partir duquel l'infraction n'est plus poursuivable) et la prescription de la peine (temps entre la condamnation et le fait que la peine n'a plus à être exécutée). La jurisprudence de la Cour de cassation a établi que la prescription de l'action publique était interromp par tout acte d'instruction ou de poursuite.

De même, dans un arrêt en date du 22 octobre 1996, la Cour européenne des droits de l'homme rappelait ainsi les finalités des délais de prescription : « garantir la sécurité juridique en fixant un terme aux actes, mettre les défendeurs potentiels à l'abri de plaintes tardives peut-être difficiles à contrer et empêcher l'injustice qui pourrait se produire si les tribunaux étaient appelés à se prononcer sur des événements survenus loin dans le passé à partir d'éléments de preuve auxquels on ne pourrait plus ajouter foi et qui seraient incomplets en raison du temps écoulé ». La prescription est habituellement justifiée par trois idées :

  • le « droit à l'oubli » : le trouble à l'ordre social causé par une infraction s'estompe avec le temps et il serait préjudiciable de raviver leur souvenir par des poursuites tardives ;

  • l'intérêt de l'auteur d'infraction de ne pas s'exposer en commettant une nouvelle infraction pendant le délai de prescription ;

  • la difficulté liée au dépérissement des preuves matérielles et à l'altération des témoignages.

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    Toutefois, la volonté de ne laisser aucun crime impuni, les progrès de la science en matière de conservation des preuves ont fait évoluer notre droit de manière chaotique, soit par la loi, soit par la jurisprudence.

     

    Le droit de la prescription : un principe avec de multiples exceptions

    Jusqu'à présent la durée de la prescription de l'action publique était en principe fixée à compter du jour de la commission de l'infraction, à 10 ans pour les crimes, 3 ans pour les délits et 1 an pour les contraventions.
    La prescription de la peine était de 20 ans pour les peines criminelles, 5 ans pour les peines délictuelles et 3 ans pour les contraventions.

    Toutefois il existe diverses exceptions en matière d'action publique :

  • prescription allongée pour le terrorisme et le trafic de stupéfiants (30 ans pour les crimes et 20 ans pour les délits) et même imprescriptibilité pour les crimes contre l'humanité ;

  • prescription raccourcie à 3 mois pour les délits de presse ;

  • prescription allongée si la victime d'une infraction sexuelle est mineure (le délai de prescription part de la majorité et est allongé à 10 ou 20 ans) ;

  • prescription allongée si le délit ou le crime est occulte par nature (abus de confiance et son recel, détournement de fonds publics, atteinte à la vie privée, malversation, tromperie) ou s'il a fait l'objet de manoeuvre de dissimulation ou en cas d'obstacle insurmontable à l'exercice des poursuites. Cette règle, d'origine jurisprudentielle, vient de décisions de la cour de cassation et n'était pas prévue par la loi.

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    Une proposition de loi qui allonge les délais de prescription

    Le gouvernement et le parlement, depuis des décennies, conscients de l'illisibilité des textes cherchaient  adopter des règles simples et à les regrouper dans le code. La dernière démarche fut la bonne.

    Ainsi, face aux nombreuses exceptions et pour stabiliser un droit d'origine jurisprudentielle, le Parlement, après un long travail, a souhaité harmoniser, clarifier et moderniser le droit de la prescription.

    Une proposition de loi transpartisane, faisant suite à un rapport, a donc été déposée par les députés Alain Tourret (Parti radical de gauche) et Georges Fenech (Les Républicains) en juillet 2015. Après un long parcours, cette proposition de loi a été votée en ultime lecture au Sénat le 15 février 2017 et à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 16 février. Elle a été promulguée le 28 février 2017.

  • Elle regroupe dans le code de procédure pénale l'ensemble des règles relatives à la prescription ;

  • en matière criminelle, elle porte la prescription de l'action publique de dix à vingt ans ;

  • en matière délictuelle, elle porte la prescription de l'action publique de trois à six ans ;

  • elle définit avec plus de précision les conditions d'interruption de la prescription : elle ajoute les actes d'enquête à la liste des actes interruptifs ;

  • elle porte de cinq à six ans le délai de prescription des peines délictuelles ;

  • elle donne un fondement légal au report du point de départ du délai de prescription des infractions occultes ou dissimulées (dont elle donne une définition) et élargi cette notion à l'ensemble des délits.

  • La question des infractions occultes ou dissimulées

    La jurisprudence avait dégagé la notion d'infraction « occulte » ou « dissimulée ». Dans ces cas, la prescription ne démarrait qu'au moment où l'infraction avait pu être constatée « dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l'exercice de l'action publique ».

    Est considérée comme « occulte » l'infraction qui, en raison de ses éléments constitutifs, ne peut être connue ni de la victime ni de l'autorité judiciaire et « dissimulée », l'infraction dont l'auteur accomplit délibérément toute manoeuvre caractérisée tendant à en empêcher la découverte. Une infraction peut être à la fois occulte et dissimulée.

    Loin de concerner toute la délinquance économique et financière, ces notions ne s'appliquaient qu'à certains délits.

     

    Exemples d'infractions occultes et/ou dissimulées
    INFRACTIONS OCCULTES PAR NATURE
    INFRACTIONS DISSIMULÉES
    Délit d’abus de confianceDélit d’abus de bien social (point de départ fixé au moment de l’inscription dans les comptes sociaux)
    Délit d’abus de bien social (point de départ fixé au jour de la présentation des comptes annuels)Délit de trafic d’influence
    Délits d’atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui et de mise en mémoire informatiséeDélit d’atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics
    Délit de publicité trompeuseDélit de fraude fiscale (point de départ fixé au 1er janvier suivant l’exercice au cours duquel la déclaration n’a pas été déposée)
    Délits de simulation et de dissimulation d’enfantDélit de participation frauduleuse à une entente prohibée
    Délit de malversationDélit de prise illégale d’intérêts
    Délit de tromperie 

     

    Avec la loi portant réforme de la prescription en matière pénale du 28 février 2017, la jurisprudence trouve une base légale, garantissant la possibilité de poursuivre une infraction occulte ou dissimulée découverte jusqu’à douze ans après la commission des faits en matière délictuelle et trente ans en matière criminelle.

    Ces notions s’appliqueront donc désormais dans toutes les hypothèses, y compris celles dans les- quelles, la Cour de cassation avait refusé de différer le point de départ de la prescription, comme par exemple pour des délits de faux ou de violation de secret professionnel.

    En contrepartie, et dans un souci de sécurité juridique, la commission des lois du Sénat a introduit des délais butoirs, après lesquels les faits deviennent prescrits. Ils permettent d’éviter que le report du point de départ de la prescription ne puisse conduire, dans les faits, à une imprescriptibilité, réservée aux crimes contre l’humanité. Ces délais butoirs sont de douze ans pour les délits et detrente ans pour les crimes.

    Ces délais restent longs. Très rares sont en effet les délits dont l’enquête commence douze ans après les faits (la prescription est en effet interrompue par tout acte d’enquête). D’autant qu’à cette date, un certain nombre d’éléments de preuve sont difficile à rapporter, les délais de conservation pour la plupart des docu- ments n’étant que de dix ans.

    Par ailleurs, ces délais butoirs ne s’appliqueront qu’aux affaires futures, comme le montre clairement l’inten- tion du législateur, à travers les débats parlementaires, tant à l’Assemblée nationales qu’au Sénat.

     

    Une lutte contre la délinquance financière renforcée depuis 5 ans

    Depuis cinq ans, la lutte contre la fraude et la délinquance économique et financière a été constamment renforcée : création du parquet national financier, de la haute-autorité pour la transparence de la vie publique, de l’agence nationale anti-corruption, renforcement des pouvoirs des enquêteurs et de la justice, reporting,protection des lanceurs d’alerte, adoptions de la loi relative la lutte contre la fraude fiscale du 7 décembre 2013 et de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (« loi Sapin 2 »).


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