Travail d’intérêt général et intérêt du travail. Analyse sociologique des succès et obstacles au développement d’une mesure pénale
Christian MOUHANNA, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines – Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP UMR 8183)
En partant des pratiques de tous les acteurs impliqués dans le processus du Travail d’intérêt général (TIG), depuis les juges qui les prononcent en audience jusqu’aux encadrants directs de condamnés au travail, en passant par les Conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP) et les responsables TIG des associations et collectivités locales, cette recherche montre comment cette mesure est mise en œuvre à toutes les étapes du processus. Bien loin de l’image d’une peine de travail « forcé » qui lui reste toujours accolé, le TIG est vu par tous ces acteurs comme une chance donnée au justiciable afin qu’il s’insère ou se réinsère dans le monde du travail. La recherche d’une adéquation poste-condamné devient dès lors l’un des enjeux essentiels du processus de construction d’un TIG ayant des chances de déboucher sur un début d’insertion. Ces modes de fonctionnement fondés essentiellement sur une approche qualitative du condamné et du TIG semblent efficaces quant à l’objectif d’insertion, mais ils n’offrent pas l’opportunité d’un développement à grande échelle de la mesure ce que visent les politiques encourageant une substitution massive des TIG aux courtes peines de prison. Cette recherche examine les inquiétudes et les ambiguïtés qu’amènent les projets de réforme, qui risquent d’aboutir à une massification mais aussi à̀ une « bureaucratisation » du TIG, danger maintes fois dénoncé par le passé.
Éprouver le sens de la peine. Les probationnaires face à l’éclectisme pénal
Olivier RAZAC, Fabien GOURIOU et Jérôme FERRAND, Université Grenoble-Alpes, Philosophie, pratiques et langages (PPL-EA 3699)
À partir de 46 entretiens avec des personnes condamnées, l’équipe de recherche a souhaité construire un modèle d’expérience de probation qui permette de comprendre le sens que prend la peine pour ces probationnaires et de mieux appréhender la contractualisation de la Justice. L’expérience de la probation apparaît comme « éclatée », faite de multiples ruptures : de discontinuités spatiales, d’une temporalité de l’attente inquiète, d’incompréhensions de communication avec une multiplicité d’acteurs, le tout contribuant à un fort isolement social. La probation est définie d’une manière privative comme non-prison, hantée par l’incarcération et sa menace omniprésente ainsi que par une forme de « dramatisation » de l’existence quotidienne qui peut se comprendre comme une reconfiguration du sens de la vie à travers le prisme pénal. L’aggravation des conditions d’existence des probationnaires est le fait du fonctionnement prévu de leur peine mais surtout de suppléments punitifs non comptés, inhérents à l’entrelacement entre peine et vie quotidienne. Pour échapper à cette dramatisation, les probationnaires cherchent autant que possible à dépénaliser la peine en s’en réappropriant certaines contraintes. Ils témoignent d’une forme d’ineffectivité de la peine : ils affirment vouloir assumer leurs actes et payer leur dette à la société mais constatent que le parcours pénal ne leur permet pas de le faire.
La laïcité dans la justice
Mathilde PHILIP-GAY, Équipe de Droit Public de Lyon, Université Jean Moulin (Lyon 3)
L’enquête sur la laïcité dans la justice, dont les résultats sont présentés dans ce rapport, confirme que les acteurs de la justice sont conduits à prendre en compte le fait religieux dans le cadre de leurs fonctions. Dès lors ceux-ci se demandent comment respecter leur devoir d’impartialité, et le droit applicable. Comme dans l’ensemble de la société et des services publics, les mêmes questionnements se retrouvent dans la Justice et parfois les mêmes incertitudes ou controverses, quant à l’affichage de signes et symboles religieux dans les bâtiments publics, ou bien le port de signes religieux par des personnes physiques, voire sur la radicalisation religieuse. Le rapport est divisé en trois parties : – L’enquête sur les acteurs de la Justice – Les acteurs de la Justice et la neutralité, – Les acteurs de la Justice et la gestion du fait religieux. Chacune de ces parties réunit des analyses, des entretiens et des débats sur les problématiques que l’enquête fait ressortir. Le rapport permet de mieux cerner la posture professionnelle que doit adopter tout acteur de la Justice soumis au principe de laïcité et s’achève sur une proposition afin d’améliorer encore leur formation continue.