Corps et surveillance : enjeux sociaux et juridiques du recours aux scanners corporels et à l'évaluation du comportement des personnes dans les aéroports
Mise à jour mai 2021
DROIT Emmanuel
Laboratoire DynamE (UMR 7367) Université de Strasbourg
Recherche débutée en 2020-12-10 - Achevée en 2022-10-06
Référence : 20.17
Type de projet : Projet spontané
Présentation de la recherche
Depuis une décennie en France, scanners corporels et méthodes d’évaluation du comportement des personnes (ECP) viennent s’ajouter progressivement à la panoplie de techniques destinées à protéger les aéroports contre les actes malveillants. Utilisées conjointement, celles-ci permettent à la fois de répondre à l’impératif de « filtrage » des passagers et d’adapter l’intensité des contrôles selon le principe d’évaluation des risques.Contrairement aux méthodes biométriques comme les empreintes digitales ou la reconnaissance faciale, ces dispositifs ne visent pas à identifier ou à authentifier l’identité des individus, mais à localiser une menace à partir des corps des passagers (objets transportés, mouvements, gestuelle, température corporelle, émotions, etc.). Parce qu’ils n’interviennent pas directement sur des données dites « sensibles », ils sont peu encadrés par la législation et les règlements français et européens et se déploient de manière relativement opaque. De même, leur fonctionnement et leur réception par les individus et par les collectifs ont été peu étudiés dans le champ de la sociologie.
Ce projet vise à combler ces lacunes en analysant l’impact de l’introduction en France de ces techniques de surveillance dans les aéroports. Parce qu’elles viennent repousser les limites du privé et du public, du visible et de l’intime, et parce qu’elles peuvent nécessiter de mettre les corps à l’épreuve, les enjeux sociaux et juridiques de ces dispositifs ne sont pas à négliger.
L’objectif de cette recherche est ainsi de comprendre comment ces techniques questionnent les droits fondamentaux au-delà de la dimension juridique de la protection de la vie privée ; comment les références à l’intimité, à la dignité ou au consentement peuvent entrer en tension avec la justification des mesures de lutte contre le terrorisme ; d’identifier quelles sont les représentations du corps sous-jacentes à ces dispositifs sociotechniques et, enfin, d’analyser la manière dont s’expriment les résistances des acteurs.
Par l’analyse conjointe de sources écrites (littérature grise, technique, institutionnelle, associative, etc.), et d’entretiens qualitatifs menés auprès d’acteurs clefs (entreprises, institutions, associations, etc.), cette recherche, menée par une équipe interdisciplinaire composée de sociologues et d’historiens, interroge à la fois : 1) l’encadrement juridique de ces dispositifs, 2) la diversité de leurs ancrages sociaux et techniques pour saisir les conceptions normatives sur lesquels ils reposent, 3) les registres de contestations auxquels ils donnent lieu dans la société civile ainsi que les éventuelles marges de négociation.
Mots clés : sûreté aéroportuaire, corps, scanner corporel, évaluation du comportement des personnes, droits fondamentaux
Abstract
For a decade in France, body scanners and behavior detection techniques have gradually been added to the range of methods intended to protect airports against malicious acts. Used jointly, these techniques allow both to meet the passenger "filtering" imperative and to adapt the intensity of controls according to the risk assessment principle.
Unlike biometrics such as fingerprints or facial recognition, these devices do not aim to identify or authenticate the identity of individuals, but to detect a threat stemming from passenger’s bodies (transported objects, movements, gestures, body temperature, emotions, etc.). Because these methods do not intervene directly on so-called "sensitive" data, they are poorly framed by French and European regulations and are deployed in a relatively obscure manner. Moreover, their functioning and the perception of individuals and collectives of these technologies have not yet been the subject of much research in the field of sociology.
This project aims to fill these gaps by analyzing the impact of the introduction of these surveillance techniques at French airports. Because they blur the lines between the private and the public, the visible and the intimate, and because they may require testing the bodies, the social and legal challenges of these devices are not to be neglect.
The objective of this research is thus to understand how these practices question the fundamental rights beyond the legal dimension of protection of privacy; how references to privacy, dignity or consent can come into conflict with the justification for counter-terrorism measures; to identify what are the representations of the body underlying these socio-technical devices and, finally, to analyze in which ways the actors react toward those techniques.
Through the joint analysis of written sources (gray literature, technical, institutional, associative, etc.), and qualitative interviews conducted with key actors (companies, institutions, associations, etc.), this research, led by an interdisciplinary team made of sociologists and historians, questions both: 1) the legal framework of these systems, 2) the diversity of their social and technical roots in order to grasp the normative conceptions on which they are based, 3) the disputes to which they give rise in civil society as well as any room for negotiation.
Keywords: Airport Security, Body, Body Scanner, Behavior Detection, Fundamental Rights
Note de synthèse : Document non disponible
Rapport de recherche : Document non disponible