Automne-Hiver 2009/2010
ISSN : 1280-1496
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SOMMAIRE
Éditorial > Pour un monde meilleur : essor et métamorphose du droit de l’environnement (Marc Domingo)
Libre propos > Droit libéral de l’environnement ou droit républicain de la nature ? (Jean-Christophe Mathias)
Recherches > Culture judiciaire européenne ; carrière des magistrats ; Experts judiciaires ; Indemnisation des accidents médicaux ; accès à la justice du travail ; Indemnisation du dommage par la Cedh ; Usage du droit et représentations de la justice ; contentieux de l’impayé
Équipe > Le CEDRE (Centre d’études en droit de l’environnement)
Dossier > Environnement et droit
Thèse > Les figures du juge-traducteur (Prix Jean Carbonnier 2009)
Notes de lecture >
Actualité.
Éditorial > Marc DOMINGO
Avocat général à la Cour de cassation
Directeur de la Mission
Pour un monde meilleur : essor et métamorphoses du droit de l’environnement
Jamais les questions soulevées par l’avenir de la planète n’avaient revêtu jusqu’à aujourd’hui une telle ampleur, une telle urgence. Les hommes prennent, de jour en jour, davantage conscience de la précarité de leur destinée au sein d’un monde incertain dont les ressources s’épuisent, un monde où la survie de l’espèce humaine apparaît, pour la première fois dans l’histoire, directement menacée.
Le village planétaire évoqué par Marshall Mac Luhan dans « La galaxie Gutenberg » est devenu une réalité.
C’est dans cet univers de plus en plus rétréci, sursaturé de nos pollutions qu’il va falloir désormais « … penser autrement notre rapport à la nature, à l’espace, à (notre) destin » Relever un tel défi suppose la conception et la mise en œuvre notamment et surtout à l’échelle internationale d’outils et de mécanismes juridiques aptes à contenir d’abord, puis à réduire et tenter si possible, de faire disparaître les processus destructeurs de la biosphère.
La production normative des Etats en ce domaine est devenue si abondante de nos jours, elle a investi tant de territoires juridiques que le corpus ainsi constitué a pu être qualifié de « colosse omniprésent qui irradie toutes les branches du droit » (Agathe Van Lang « Droit de l’environnement », PUF.). Les principes ordinaires, les catégories usuelles sont bouleversés par un droit composite, protéiforme, aux contours flous, sans cesse remaniés, un droit en réactivité permanente aux phénomènes qu’il appréhende (phénomènes sur lesquels le consensus scientifique n’est pas toujours réalisé) et dont les valeurs prioritaires qu’il a pour finalité de protéger sont souvent, pour ne pas dire presque toujours, en opposition avec les objectifs de croissance continue et de rentabilité économique assignés aux activités humaines.
L’intensification de cette démarche volontariste dans le cadre des relations interétatiques ou du droit national, qu’elle soit inspirée par la crainte des catastrophes futures ou le vertueux souci d’épargner nos descendants, ne peut trouver sa pleine efficacité qu’avec le soutien du juge. Il ne suffit pas d’édicter des normes ni de concevoir des dispositifs permettant d’en assurer l’application, encore faut-il pouvoir sanctionner les conduites transgressives ou dommageables. Afin de remplir au mieux cette mission, le juge, quel que soit l’ordre auquel il appartient, doit non seulement acquérir et enrichir en les actualisant les connaissances juridiques indispensables mais opérer une véritable conversion intellectuelle.
La protection de l’environnement par le droit requiert en effet de rendre opératoires en les hybridant, des notions distinctes relevant de branches du droit habituellement séparées, de faire évoluer la réflexion et le raisonnement, en tenant compte des dimensions humaines collectives des situations, de dégager des solutions qui, déployant leurs effets dans l’espace et dans la durée consistent d’ailleurs moins à mettre fin à un conflit qu’à assurer la prééminence des valeurs que le droit de l’environnement a pour objet de garantir.
La tâche du juge est d’autant plus délicate ici, qu’englobé dans le milieu ambiant à la défense duquel il participe, son devoir de neutralité et d’objectivité doit se concilier avec une sensibilisation particulière aux problèmes affrontés lui permettant d’anticiper l’impact de ses décisions sur les générations futures. C’est aussi l’honneur du juge que de s’efforcer de tenir cette gageure.