Pauline ABADIE
Entreprise responsable et environnement. Recherche d’une systématisation en droit français et américain
Le prix Jean Carbonnier de la recherche sur le droit et la justice 2013 a été attribué à Pauline Abadie, pour sa thèse portant sur « Entreprise responsable et environnement. Recherche d’une systématisation en droit français et américain », sous la direction de Jacqueline Morand-Deviller, professeure émérite à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne et de François-Guy Trébulle, professeur à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne.
- Ce travail de recherche a été publié aux éditions Bruylant, en juin 2013.
- Parcours de Pauline Abadie
Après deux ans passés en Californie où elle obtient un LL.M en droit de l’environnement à la Faculté de droit de l’Université de Golden Gate, et où elle s’initie à la recherche et à l’enseignement en publiant un premier article et en enseignant un séminaire sur les droits de l’Homme et l’environnement, Pauline Abadie rentre en France et intègre le DEA de droit de l’environnement de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Suite à l’obtention de son diplôme, elle obtient une allocation de recherche et s’engage dans la rédaction d’une thèse en droit comparé sur un sujet lui permettant d’approfondir certaines réflexions menées aux États-Unis. Sa recherche ayant fait naitre des besoins de documentation et d’immersion, Pauline Abadie présente sa candidature auprès de la Faculté de droit de l’Université de New-York où elle est nommée Doctoral Fellow et accueillie en résidence au sein du Hauser Global Program. Cette expérience façonne sa conception et son attachement au droit français, mais la convainc de la nécessité d’une ouverture aux droits et universités étrangers. Nommée ATER en droit public en 2008, Pauline Abadie intègre en septembre 2012 la Faculté Jean Monnet de l’Université Paris Sud en tant que Maitre de conférences en droit privé. Après une année passée au sein de la direction où elle assume la fonction de Vice-doyen chargée des relations internationales, Pauline Abadie poursuit aujourd’hui ses travaux de recherche dans les domaines du droit comparé, du droit de l’environnement, de la gouvernance en droit public et en droit privé, et de la responsabilité sociale des entreprises.
- Présentation de la thèse
L’intérêt d’une réflexion sur l’Entreprise responsable et l’environnement naît du constat que la mondialisation a conduit à un accroissement considérable de la puissance des entreprises, en même temps qu’elle a réduit la capacité des États à les contrôler. De ce fait, l’entreprise fait aujourd’hui l’objet de demandes et revendications croissantes provenant de la Société civile mais aussi des gouvernements, visant à ce qu’elle assume davantage de responsabilités sociétales. D’un point de vue juridique, confier à l’entreprise de nouvelles missions, faire d’elle une personne « responsable », engendre certains bouleversements et emprunte des voies inattendues. Cette thèse a pour ambition d’identifier, d’explorer et d’apprécier de manière critique les formes que prennent ces nouvelles responsabilités dans les diverses branches du droit, et interroge la possibilité d’en dégager une cohérence qui puisse tendre vers le système. Pour ce faire, il s’agit de proposer une lecture des nouvelles responsabilités environnementales de l’entreprise dans l’espace public et dans l’espace marchand, aux États-Unis et en France, qui mette en évidence ce qui les oppose et ce qui les rattache. Alors, est-il possible de parvenir à une vision d’ensemble, globale et liante du thème de l’Entreprise responsable, démarche qui conduit à revisiter les catégorisations juridiques traditionnelles.
Dans une perspective publiciste, il s’agit d’évoquer l’entreprise comme nouvel acteur « politique » de la protection de l’environnement, d’examiner les traits juridiques que prend sa participation et de questionner l’existence de garde-fous visant à s’assurer qu’à l’instar de tout acteur public, elle est également tenue de rendre des comptes. Dans cet espace où elle rencontre l’État et la Société civile, l’entreprise est une notion polymorphe. Elle peut être exploitant, pouvoir économique privé, groupe d’intérêts ou encore association professionnelle et commerciale, détenteur de déchets, éco-organisme, etc. De son côté, le concept de responsabilité implique d’examiner les nouveaux modes de conduite de l’action publique et de production des normes dans une démocratie de plus en plus délibérative où l’entreprise est devenue un acteur central de la protection de l’environnement. La thèse évoque les règles et instruments de contrôle qui permettent d’encadrer une nouvelle conception de la bonne gouvernance écologique. La démarche comparative se révèle des plus éclairantes car, à la différence de la France, les intérêts privés aux États-Unis ont toujours côtoyé, nourri et enrichi l’intérêt public. Ils sont même à la base du modèle d’État républicain. La longue tradition d’association des groupes à la poursuite de l’intérêt général, tout comme certains mécanismes de transparence garantissant l’exercice de contre-pouvoirs, dans un pays où l’État concilie plus qu’il ne dirige et où toute concentration des pouvoirs suscite crainte et réticence, sont riches d’enseignements pour la démonstration.
Dans une perspective privatiste, les demandes tendant à ce que l’entreprise assume davantage de responsabilités sociétales trouvent des relais dans la sphère marchande à l’extérieur comme à l’intérieur de l’entreprise. Une réflexion sur le rôle joué par les différents acteurs : des apporteurs de capitaux aux dirigeants sociaux, en passant par les salariés conduit à examiner les divers procédés juridiques et extra-juridiques qui ont placé au cœur de l’entreprise les préoccupations sociales et environnementales mises au service d’une bonne gouvernance. Ici, le concept de responsabilité interroge la notion « d’entreprise » comme entité distincte de la société personne morale. Il est alors possible d’observer que seule une conception qui intègre pleinement ses diverses parties prenantes et qui garantit le respect équitable de leurs intérêts, peut permettre d’inscrire l’entreprise dans un projet collectif humain et durable. La comparaison avec les États-Unis est là encore des plus stimulantes. Outre la manière pragmatique qu’ont les Américains d’appréhender la notion d’entreprise à l’opposé de notre vision plus conceptuelle, ces derniers débattent depuis longtemps du problème des responsabilités sociales dans le cadre d’une réflexion sur le pouvoir des dirigeants qui, associée aux règles de la corporate governance, interpelle le juriste français. L’originalité de la démarche consiste à porter un regard croisé sur ces deux formes de gouvernance qui caractérisent l’Entreprise responsable dans l’espace public et dans l’espace marchand.