Le jury du Prix Carbonnier a distingué deux thèses pour l’année 2016 : celle de Florence Fouvet, lauréate du Prix et celle de Raphaëlle Théry qui a reçu une mention spéciale. La cérémonie s’est tenue le 16 février dans un lieu aussi prestigieux que symbolique, la chambre criminelle de la Cour de cassation.
C’est à Loïc Cadiet, professeur à l’École de droit de la Sorbonne-Université Paris 1, président du jury du Prix Jean Carbonnier de la recherche sur le droit et la justice 2016, et à Sandrine Zientara-Logeay, directrice de la Mission de recherche Droit et Justice, qu’a incombé l’honneur de remettre les prix aux deux lauréates après avoir salué leurs travaux.
La lauréate, Florence Fouvet a reçu le Prix Jean Carbonnier 2016 pour sa thèse sur “Le principe de libre exercice d’une activité professionnelle”, soutenue le 5 mai 2015 au sein de l’Université Lumière Lyon 2 et consacrée entièrement au principe d’appréciation des clauses de non-concurrence, reposant sur trois arrêts rendus le 10 juillet 2002 par la Cour de cassation. Loïc Cadiet a loué dans son allocution les qualités de sa thèse: “Cet ouvrage est servi par une écriture claire mariant, avec élégance, la simplicité à la précision; il est porté par un plan solide dont la sobriété ne nuit pas à l’efficacité puisqu’après avoir procédé à l’identification du principe de libre exercice d’une activité professionnelle, dont vous retracez la généalogie et clarifiez la teneur, vous en mesurez la portée, dans le double sens d’autorité normative et de rayonnement fonctionnel”. (…) “Votre thèse a ainsi des allures d’enquête, illustrant exemplairement une veine insuffisamment valorisée de la recherche juridique (…), mobilisant de manière intelligente les multiples registres de la dogmatique juridique, quand vous analysez les dispositifs normatifs, les énoncés jurisprudentiels et les productions doctrinales, de la théorie du droit, lorsque vous travaillez les notions de principe et de fondamentalité, et des méthodes empiriques, notamment la méthode statistique dont les annexes de la thèse livrent les résultats éclairants”.
Le président du jury a souligné dans son discours “tout l’apport que constituait cette thèse et sa remarquable interdisciplinarité”, collant bien à “l’esprit du Prix Carbonnier” qui, comme l’a rappelé dans son discours Sandrine Zientara-Logeay, “consiste à distinguer des travaux universitaires qui peuvent contribuer au décloisonnement des disciplines”. Loïc Cadiet de poursuivre: “c’est une authentique thèse sur les mutations contemporaines des sources du droit que vous livrez à la communauté des juristes et à tous ceux qui prennent le droit comme objet de réflexion. Les approches historiques et les perspectives comparatives ne sont donc pas absentes de votre recherche qui vous conduit à arpenter, non seulement le droit du travail, mais aussi le droit commercial, le droit administratif, le droit constitutionnel, le droit pénal, le droit international et le droit européen. Au-delà de cette interdisciplinarité interne au droit, votre thèse satisfait aussi aux exigences de l’interdisciplinarité externe, à travers l’accueil des débats d’économie politique, le recours aux théories du langage et à l’outillage des sciences sociales, notamment à l’analyse de contenus du corpus jurisprudentiel”.
Légende : Loïc Cadiet remettant à Florence Fouvet son diplôme.
Raphaëlle Théry a obtenu, quant à elle, une mention spéciale du jury du Prix Carbonnier 2016 pour sa thèse intitulée “Libéralisme pénal. Principe, enjeux et contradictions d’une institution non idéale”, soutenue le 12 décembre 2015 à l’Ecole des hautes études en sciences sociales. Elle est également lauréate du Prix Vendôme 2016.
Raphaëlle Théry a consacré sa thèse de philosophie pénale à examiner les rapports entre libéralisme politique et justice pénale. Son travail de doctorat aborde la dérive du libéralisme contemporain qui semble avoir abandonné le terrain de la justice pénale au profit du champ de la justice sociale, au moment même où les institutions pénales sont traversées par une crise profonde. Explorant les rapports entre le libéralisme politique et la justice pénale, elle explique les raisons du divorce de la question pénale et de la philosophie politique libérale. Et formule également les principes d’un libéralisme pénal rénové, visant à réinstaller la justice pénale au coeur de la philosophie politique contemporaine.
Loïc Cadiet a salué dans son discours l’interdisciplinarité de sa réflexion: “mêlant philosophie politique, sciences sociales (sociologie du droit notamment) à quelques références à la psychologie et aux dispositifs juridiques, même si le droit, y compris le droit pénal processuel, n’est pas, en tant que tel, au centre de vos analyses”, a t-il ajouté. Il a relevé aussi l’internationalité et la liberté qui transparaissent dans sa thèse: “liberté qui est également au cœur de la réflexion que vous livrez: non seulement, au premier degré, la liberté matériellement entravée par la peine, mais aussi, dans le registre des idées, la question pénale appréhendée par le libéralisme politique”.
Légende : Loïc Cadiet remettant à Raphaëlle Théry son diplôme.
Partenaire de l’événement depuis janvier 2017, Dalloz, a offert trois ouvrages à Florence Fouvet et à Raphaëlle Théry, un accès gratuit pendant six mois à la base de données Dalloz.fr, ainsi qu’un abonnement gratuit d’un an à l’une de ses revues en version numérique.
Cette cérémonie de remise du Prix Carbonnier 2016, la douzième du nom, avait une “saveur” un peu particulière cette année car elle concluait une riche, passionnante et fructueuse collaboration de trois années, entre les différents membres du jury 2013-2016, dont Loïc Cadiet était le président. Le prochain jury du Prix Carbonnier pour 2017-2019 a été entièrement renouvelé. Voir: http://www.gip-recherche-justice.fr/2017/01/31/jury-du-prix-jean-carbonnier-2017-2019/
Lire le discours de Loïc Cadiet
Lire l’article sur le site du ministère de la Justice