Mardi 27 novembre, Perrine Simon, spécialiste en droit public et en droit pénal a été désignée lauréate du Prix Vendôme 2018 pour sa thèse de doctorat portant sur la question du pouvoir pénal européen « La compétence d’incrimination de l’Union européenne » soutenue en octobre 2017 à l’Université Paris Est, en cotutelle avec l’Université du Luxembourg. Ombeline Mahuzier, cheffe du pôle d’évaluation des politiques pénales à la Direction des affaires criminelles et des Grâces (DACG) et Kathia Martin-Chenut, directrice adjointe scientifique de la Mission de recherche Droit et Justice, toutes deux membres du jury du Prix Vendôme répondent à nos questions.
LLH : Etes-vous satisfaite du choix du jury ?
Ombeline Mahuzier : Très satisfaite au nom de la DACG. Les délibérations ont été passionnantes et très riches ; nous avions de très bonnes candidatures et des thèses qui toutes présentaient de grandes qualités. L’intérêt majeur de celle qui a été retenue c’est évidemment son approche européenne et prospective qui nous permettra de placer nos réflexions dans une dimension d’ampleur et d’avenir qui intéressera autant les universitaires que les praticiens.
LLH : Que représente ce thème pour le travail de la DACG aujourd’hui ?
Ombeline Mahuzier : Parmi les missions de la DACG figure celle de négocier les normes pénales européennes et donc de participer justement à la construction de ce « pouvoir pénal » au niveau européen. Dès lors, la réflexion qui peut être menée, mais aussi la mise en pratique peut-être de certaines perspectives ou de certaines analyses, pourra très concrètement venir nourrir le travail de nos collègues du bureau de la négociation pénale européenne et internationale (BNPEI).
LLH : En quoi le Prix Vendôme est-il important pour la DACG ?
Ombeline Mahuzier : C’est un Prix qui a été conçu et lancé à la DACG, en partenariat avec le GIP Mission de recherche Droit et Justice pour récompenser une thèse de droit pénal, de procédure pénale ou de sciences criminelles. C’est essentiel parce que cela représente l’ancrage de la DACG, en même temps que cela l’alimente, dans les travaux scientifiques et dans une grande expertise sur le plan du droit pénal, de la procédure pénale, des droits fondamentaux et des droits processuels. L’organisation de ce prix nous permet à la fois de recevoir les travaux les plus brillants qui ont été produits par des universités, par des thésards; de réfléchir à d’autres aspects que ceux que nous pratiquons au quotidien et cela nous permet enfin d’organiser des rendez-vous de restitution avec les membres de la direction. Je pense aux traditionnels petits déjeuners de la DACG au cours desquels des chercheurs viennent présenter leurs travaux et notamment ceux qui ont été récompensés par le Prix Vendôme et qui peuvent venir exposer très concrètement le fruit de leurs recherches.
LLH : Quand le Prix Vendôme 2018 pourra t-il être remis à sa lauréate ?
Ombeline Mahuzier : Il devrait vraisemblablement être remis début 2019. C’est une belle cérémonie en général qui nous permet de rassembler le ou la lauréate bien sûr, mais aussi ses directeurs ou directrices de thèse, quelques uns de ses proches, les directions du ministère, le cabinet de la ministre, parfois la ministre elle-même. C’est une cérémonie à laquelle nous tenons beaucoup avec le GIP Mission de recherche Droit et Justice et nous allons prendre le temps de l’organiser à la hauteur de l’événement.
LLH : Comment la thèse primée se situe t-elle par rapport aux recherches soutenues par la Mission ?
Kathia Martin-Chenut : La Mission de recherche Droit et Justice soutient notamment des recherches interdisciplinaires à forte dimension comparative et/ou internationale sur le droit et la justice. C’est dans ce cadre que s’inscrit la thèse de doctorat de la lauréate du Prix Vendôme 2018 qui porte sur la compétence d’incrimination de l’Union européenne s’interrogeant sur ce nouveau « pouvoir pénal européen » Le thème est d’une grande importance tant pour les chercheurs que pour les professionnels du droit et de la justice. La Mission pourra contribuer à la valorisation de cette recherche doctorale auprès d’autres chercheurs (en articulation avec les recherches qu’elle soutient) et auprès des professionnels en lien avec la DACG.
LLH : Quel est l’apport et l’originalité de cette thèse ?
Kathia Martin-Chenut : La lauréate possède une double formation (droit public et privé). Sa thèse a été dirigée par deux Professeurs, Edouard DUBOUT, publiciste et spécialiste du droit européen et Sefan BRAUN pénaliste. Sa recherche montre l’importance de dépasser le clivage entre droit public et droit privé. Mais, ce travail sérieux de recherche va bien au delà et dépasse les travaux réalisés jusqu’alors. L’auteure questionne l’ambivalence de la compétence d’incrimination de l’Union -une compétence implicite consacrée par la jurisprudence qui survit malgré la consécration par le Traité de Lisbonne d’une compétence explicite d’incrimination- et les risques de banalisation du droit pénal. Elle se penche sur l’émergence d’un processus d’encadrement du pouvoir pénal européen par les principes du droit pénal et ses limites, pour proposer un nouveau rôle à la Cour de justice de l’Union européenne : celui de contrôle des incriminations sur la base de la Charte des droits fondamentaux.
LLH : Quelles sont les qualités mises en avant par le jury de la thèse de Mme Simon ?
Kathia Martin-Chenut : Outre la rigueur scientifique et le fait de remplir les canons d’une très bonne thèse, le jury a salué les qualités didactiques de ce travail, qui porte sur un thème d’une grande complexité technique. L’analyse critique et prospective développée par la lauréate a également été saluée par le jury du Prix Vendôme. La recherche questionne la capacité de l’Union européenne à affirmer un projet pénal humaniste et pluraliste, ouvrant ainsi des pistes de réflexion sur l’avenir de l’Union. Elle place la Cour de justice de l’Union européenne comme un acteur de l’esquisse d’une identité et d’une rationalité pénale européennes, qui orienterait la politique pénale de l’Union.