Le 24 juin 2019 la Mission de recherche Droit et Justice et l’École nationale de la magistrature (ENM) qui constitue l’un de ses membres statutaires, ont signé pour la première fois une convention pluriannuelle afin de formaliser et renforcer leur partenariat. Cette convention bipartite est conclue jusqu’au 24 février 2024. Interview croisée de Valérie Sagant, directrice de la Mission de recherche Droit et Justice et d’Olivier Leurent, directeur de l’ENM.
Propos recueillis par Laetitia Louis-Hommani
Laetitia L-H : Quels sont les objectifs de cette convention ?
Olivier Leurent : La convention prend acte des relations institutionnelles de l’ENM avec la Mission de recherche Droit et justice depuis sa création. Elle vise à renforcer ce partenariat scientifique, débuté en 1994, par l’engagement financier que prend l’ENM de verser une subvention annuelle. Cette convention entérine donc la participation financière de l’ENM au GIP Mission de recherche « Droit et justice » qui avait été votée pour la première fois au conseil d’administration (CA) de l’École du 12 mars 2018. La pérennisation de ce financement est l’objet de cette convention approuvée au CA de juin 2019. Jusqu’à présent, l’ENM n’avait pas contribué financièrement ni en nature au budget du GIP en tant que membre constitutif.
Au-delà de cet aspect financier cette convention est un nouveau levier pour dynamiser la recherche à l’ENM grâce au traitement de sujets plus nombreux et plus ciblés. Actuellement, les sujets des recherches proposés par l’ENM sont issus de la consultation menée chaque année par le département de la recherche et de la documentation auprès de tous les formateurs de l’École, tant au niveau de la formation initiale que de la formation continue. Ceux-ci se prononcent sur les sujets qui pourraient venir à l’appui de la formation des élèves magistrats ou alimenter les sessions de formation continue. Ainsi chaque année, l’ENM propose au GIP 5 à 6 sujets de recherche. Ce nouveau partenariat permettra de faire en sorte que des sujets plus nombreux puissent être retenus pour le lancement des appels à projet au sein de la communauté scientifique.
Enfin, l’École pourra participer plus étroitement à la gouvernance du GIP et pourra éclairer utilement la définition des axes de recherche, notamment lors du comité de programmation annuel, le GIP étant son opérateur de recherche. Actuellement, le GIP lance des appels à projet de recherche pour le compte de ses membres et fait d’abord appel à des chercheurs en sciences humaines et sociales. Ce nouveau partenariat financier pourrait permettre d’orienter les projets vers les questions identifiées comme prioritaires pour la formation judiciaire et de retenir les travaux des chercheurs en droit.
Ainsi, les pratiques judiciaires, la prospective dans le domaine des enseignements qui doivent être dispensés, ou encore les questions d’organisation qui se posent au sein des juridictions pourraient être l’objet de travaux de recherche.
Valérie Sagant : La convention vient formaliser les relations qui s’étaient déjà renforcées depuis quelques années entre l’École et la Mission. Cette convention répond à un souci statutaire, l’ENM est membre du groupement d’intérêt public « Mission de recherche droit et justice » depuis sa création et depuis 2018, elle y contribue financièrement. Ce GIP est composé de deux principaux membres : le Ministère de la Justice et le CNRS – qui contribuent pour plus de 90% au budget de la Mission et disposent de 50 et 30% des droits de vote. Trois autres membres constituent le GIP : l’ENM (10% des droits de vote), le Conseil national des barreaux et le Conseil supérieur du notariat (pour 5% chacun). L’engagement financier de l’École envoie également un signal fort aux autres membres.
Par ailleurs, l’ENM constitue un partenaire essentiel dans la valorisation des recherches soutenues par la Mission. Les enseignements dispensés à l’École peuvent s’appuyer sur les résultats des travaux scientifiques ; l’ENM est un lieu très approprié de débat entre scientifiques et praticiens. Elle est parfois également un lieu de recherche ! la « fabrique » des magistrats constitue un sujet de recherche prisé et permet aux dirigeants de l’École de bénéficier d’analyses utiles au pilotage de l’institution, comme l’ont encore récemment montré les travaux conduits par Laurent Willemez et Yoan Demoli sur la sociologie de la profession de magistrat.
Laetitia L-H : Quelles sont les modalités pratiques de ce partenariat ?
Valérie Sagant : Ce partenariat comprend essentiellement deux facettes, la première est institutionnelle : en sa qualité de membre du GIP – membre désormais financeur – l’ENM participe à la définition de la programmation scientifique et à la définition des orientations de la Mission. Par exemple, dernièrement, nous avons proposé de lancer une nouvelle publication permettant de rendre accessible les résultats de recherche auprès des acteurs du droit et de la justice – au premier rang desquels les magistrats. L’École, dans le cadre des échanges qui se tiennent en Assemblée générale, donne son avis et pèse sur les décisions fondamentales guidant l’action de la Mission.
La seconde facette est plus opérationnelle : la Mission et l’ENM co-organisent différents événements destinés à valoriser les résultats des recherches. Nous allons mettre en place une nouvelle forme de partenariat en proposant aux auditeurs de justice d’effectuer leur stage extérieur au sein de la Mission de recherche. Nous pensons que cette modalité peut constituer une excellente opportunité pour que les auditeurs de justice se familiarisent avec l’univers de la recherche, prennent l’habitude de consulter les publications utiles à l’exercice de leurs pratiques, etc. Nous associons également fréquemment l’École aux différentes instances de suivi scientifique : les formateurs et cadres de l’ENM apportent une vision opérationnelle des besoins des praticiens très utile à notre dialogue avec les chercheurs.
Laetitia L-H : Quelles sont les obligations fixées par cette convention pour l’ENM ?
Olivier Leurent : Au-delà de la commande des sujets de recherche, il importe que pour les deux parties l’exploitation des travaux des chercheurs puisse être utile aux praticiens : la recherche pour l’ENM se veut appliquée. Cela signifie que la restitution des travaux doit être facilitée et rendue possible rapidement au sein de l’École afin de permettre d’alimenter les directions d’études des élèves et les enseignements. Ainsi, l’École participera activement à la valorisation des travaux de recherche en accueillant, comme elle l’a déjà fait par le passé, les manifestations de diffusion répondant à ses objectifs de formation. Les chercheurs pourront également s’appuyer sur les ressources disponibles de l’École pour mener les enquêtes utiles à la recherche en lien avec l’exercice professionnel et l’institution judiciaire.
Laetitia L-H : Quelles sont celles qui engagent la Mission de recherche ?
Valérie Sagant : Nous nous en engageons bien évidemment à associer étroitement l’ENM à la détermination de notre programme d’activités et à la programmation scientifique. Nous répondons également à toute initiative que l’École souhaiterait prendre sur un thème relevant de recherches soutenues par la Mission ; l’objectif est d’appuyer l’ENM dans ses missions pédagogiques : nous pouvons proposer des noms d’intervenants, faciliter le contact avec des chercheurs, identifier des travaux utiles à la formation. Enfin, nous sommes très heureux de proposer des opportunités de stage à ses auditeurs de justice.
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