La Mission de Recherche Droit et Justice a soutenu une recherche consacrée aux magistrats des années 2010, conduite par Laurent WILLEMEZ et Yoann DEMOLI. Après deux ans d’investigations qualitatives et quantitatives, ces deux sociologues livrent un portait de ce que sont les magistrats d’aujourd’hui et formulent quelques pistes en vue de la démocratisation de ce grand corps.
La Mission de recherche Droit et Justice a soutenu une recherche intitulée « La profession de magistrat dans les années 2010 : morphologie du groupe, représentations du métier et conditions de travail », coordonnée par les sociologues Laurent WILLEMEZ, Professeur, et Yoann DEMOLI, Maître de conférences, à l’Université de Versailles-St Quentin en Yvelines, (laboratoire PRINTEMPS). Ces chercheurs ont relevé le défi d’une analyse à la fois qualitative et quantitative, visant à établir la morphologie du corps mais aussi à interroger les conditions de travail et les représentations du métier de ses membres.
Qui sont nos magistrats ?
Leur recherche remet à jour de manière inédite les résultats des enquêtes réalisées dans les années 1980 et 1990 par Jean-Luc Bodiguel et Anne Boigeol.
Il en ressort que la magistrature reste une profession d’élite. « Ayant des origines sociales relativement élevées, en couple avec des conjoint.es qui leur ressemblent, les magistrat.es se distinguent par une forte féminisation, laquelle dissimule toutefois des inégalités pérennes entre les carrières des unes et des autres », écrivent-ils.
Le deuxième concours, qui recrute pour un tiers parmi les classes populaires salariées et indépendantes et pour un quart parmi les classes moyennes, reste la voie d’accès à l’Ecole nationale de la magistrature (ENM) qui offre les meilleures perspectives de mobilité sociale pour les candidats et de démocratisation de ce corps d’élite.
Des professionnels débordés
« Au-delà de l’hétérogénéité des lieux et des conditions de travail, l’activité magistrate est marquée par le débordement temporel ainsi que les difficultés de l’articulation travail/vie privée. Tensions et difficultés sont particulièrement aiguës pour les magistrat.es les plus jeunes travaillant de façon solitaire. »
Une mobilité à relativiser
« Si la mobilité semble une caractéristique générale de la profession, dans ses deux aspects, géographiques et fonctionnels, au point qu’elle en constitue un élément institutionnel fort, c’est parce qu’elle rend possible, statutairement, la promotion. Mais cette mobilité n’est peut-être pas si forte que cela, en raison d’une part des projets familiaux et des contraintes qui l’accompagnent ainsi que des dispositions professionnelles, appétences à tel contentieux, à telle spécialisation. »
« L’âme du corps »
Le rapport final issu de la recherche s’intitule « L’âme du corps » en raison des mécanismes institutionnels de production de l’identité de magistrat, de la relative ressemblance entre toutes les carrières, et des hiérarchies symboliques qui structurent le groupe, identifiées par les chercheurs.
C’est en grande partie l’ENM qui donne son âme au corps mais les sociologues l’ont également retrouvée dans les pratiques professionnelles et les conditions de travail finalement plutôt communes des magistrats.
La méthode
Pour dresser ces constats, les chercheurs se sont appuyés sur une quarantaine d’entretiens avec des magistrats, 1 200 réponses à un questionnaire diffusé auprès d’eux par le Ministère de la Justice ainsi que sur l’analyse du fichier exhaustif des quelque 8 300 professionnels en poste au 1er janvier 2018.
La Mission de recherche Droit et Justice organise un colloque sur cette thématique les 30 et 31 janvier 2020.
Pour aller plus loin et consulter la synthèse et le rapport de recherche :
Voir le questionnaire qui a été soumis aux magistrats