Le Prix Carbonnier 2019 a été remis mercredi 23 septembre 2020 à Elsa Fondimare pour sa thèse : « L’impossible indifférenciation. Le principe d’égalité dans ses rapports à la différence des sexes », soutenue le 1er octobre 2018 à l’Université Paris Nanterre. Entretien-bilan avec Jean-Denis Combrexelle, Président de la section du contentieux du Conseil d’État, président du jury du Prix Jean Carbonnier 2017-2019 qui transmet le flambeau à son successeur Jean-Michel Sommer, Président de chambre, Directeur du service de documentation, des études et du rapport de la Cour de Cassation qui préside le nouveau jury 2020-2022.
Propos recueillis par Laetitia Louis-Hommani
Laetitia L-H : Vous avez été président du jury du Prix Carbonnier de 2017 à 2019, quel bilan tirez-vous de ces trois années de mandat ?
Jean-Denis Combrexelle : Le premier mot qui me vient à l’esprit est celui de responsabilité. Chaque année nous recevions une soixantaine de thèses qui représentaient chacune des années d’un travail souvent acharné d’une jeune femme ou d’un jeune homme avec beaucoup de sacrifices personnels. Nous avions d’abord une responsabilité vis à vis de ces jeunes thésards mais aussi des universités qui les présentaient, de la famille du Doyen Carbonnier qui nous a toujours suivi et du ministère de la justice qui à travers la Mission Recherche droit et justice organise le prix avec un grand professionnalisme et beaucoup d’implication personnelle de la part de ses responsables. Le deuxième mot est celui de convivialité qui s’applique aux travaux du jury. Nos parcours, parfois nos pays, étaient différents, il y avait des universitaires et des juges et dans la responsabilité qui était la nôtre nous avons travaillé avec convivialité. L’esprit dans lequel se déroulaient nos débats et échanges reste un très bon souvenir personnel. Le troisième mot est celui d’avenir. Il ne s’agissait pas seulement d’attribuer de façon formelle une récompense, le prix Carbonnier est un acte de confiance donné à un thésard pour qu’il poursuive des travaux particulièrement prometteurs.
Laetitia L-H : Quel est l’esprit du Prix Carbonnier et quel est son apport pour les jeunes docteurs lauréats et plus généralement pour le monde du Droit et de la Justice ?
Jean-Denis Combrexelle : L’esprit du prix Carbonnier n’est pas de sélectionner « La » meilleure thèse, elle est de distinguer celle qui correspond le mieux aux principes qui ont guidé les travaux du Doyen. D’abord l’ouverture aux problématiques de la société. Le droit n’est pas une science tournée vers le passé, il lui appartient d’aborder les problématiques du moment, il en est à la fois le récepteur et l’acteur. Ensuite l’interdisciplinarité à un moment où les disciplines ont tendance à se replier sur elles-mêmes. Enfin l’innovation. C’est une question qui dépasse de loin le seul prix Carbonnier mais nos élites innovent peu, il faut inciter à l’originalité de la recherche et la favoriser. Ce doit être un signal pour les jeunes thésards. Il faut aussi que les thèses sortent du monde universitaire et soient lues par des responsables et décideurs. Au-delà il faut qu’elles se diffusent davantage dans la société civile. Une thèse c’est d’abord une démonstration rédigée dans un style clair et intelligible, c’est aussi l’esprit du prix.
Laetitia L-H : Qu’est-ce que les thèses primées lors de votre mandat apportent dans le domaine du Droit et de la Justice ? Quelle est leur originalité ?
Jean-Denis Combrexelle : C’est peu dire qu’il y avait peu de rapport entre le premier prix décerné à Lisa Carayon sur la catégorisation des corps posant la question de la frontière entre la vie et la mort, la deuxième thèse de Pascale Cornut Saint-Pierre consacrée au droit des traders et de la finance internationale et la thèse d’Elsa Fondimare consacrée aux questions de genre et d’égalité entre les hommes et les femmes. Mais à chaque fois, il y avait une personnalité, un regard original et nouveau porté sur un sujet et des convictions personnelles fortes. Le trait commun de chacune de ces thèses était que ce n’était pas une simple compilation des écrits précédents mais une avancée source d’enseignements tant pour la recherche que pour la société.
Laetitia L-H : Que retiendrez-vous de cette expérience et que diriez-vous à votre successeur Jean-Michel Sommer qui reprend les rênes du prochain jury 2020-2022 ?
Jean-Denis Combrexelle : Je voudrais d’abord dire que c’est avec un grand plaisir que je passe le témoin à Jean-Michel Sommer avec qui j’ai eu le bonheur de travailler lorsque nous étions tous les deux à la direction des affaires civiles et du sceau au ministère de la justice. La mission première du président est de faire en sorte qu’il y ait une vraie délibération du jury dans laquelle chacun, fort de son expérience et de son parcours, puisse enrichir le débat. Qu’il me soit permis à cette occasion d’exprimer ma gratitude aux membres du jury que j’ai eu l’honneur de présider. Chaque membre du jury travaille beaucoup en lisant plusieurs thèses et ensuite vient le temps de la délibération collective qui est le moment le plus important. L’autre mission du président, c’est d’avoir en permanence en tête, plus encore que chaque membre du jury, l’esprit du prix Carbonnier.
Pour aller plus loin :
Lire le discours de Jean-Denis Combrexelle prononcé à l’occasion de la cérémonie de remise du Prix
Lire le discours d’Elsa Fondimare
Photos de la cérémonie de remise du Prix Carbonnier 2019, le 23 septembre 2020 au Conseil d’État