L’IERDJ a appris avec beaucoup de tristesse la disparition de Nicole Maestracci, ancienne magistrate et ancienne membre du Conseil constitutionnel avec laquelle la Mission de recherche Droit et Justice – dont il constitue le prolongement – entretenait des liens très forts depuis de nombreuses années, c’était elle qui avait été à l’origine de sa création en 1994.
Pour Nicole Maestracci la recherche était cruciale pour éclairer et donner du sens aux questions des praticiens du monde de la Justice. Ainsi, elle avait toujours œuvré pour rapprocher le monde de la justice de celui de la recherche. Elle avait vu en le GIP cet espace de dialogue privilégié, entre chercheurs et professionnels de justice, qu’elle avait appelé de ses vœux. Tout au long de sa vie et un peu en précurseur, elle aura eu à cœur d’ouvrir la justice aux attentes des citoyens et de faire que la justice soit plus humaine et plus juste.
Nicole Maestracci était donc à l’origine de la création de la Mission de Recherche Droit et Justice : suite à ses propositions le ministère de la Recherche et de l’Enseignement supérieur et le CNRS avaient décidé fin 1992 de créer une structure d’animation de la recherche qui disposerait des moyens renforcés de l’ancien Conseil de la recherche ainsi que d’une certaine autonomie : c’est ainsi que le GIP MRDJ avait vu le jour (en savoir plus). Nicole Maestracci n’avait pas fait qu’initier sa création, elle s’était investie dans ce GIP : tour à tour membre de son Conseil scientifique (de 2012 à 2016), membre du jury du Prix Jean Carbonnier 2017-2019, elle avait pris part à de nombreuses réflexions ou initiatives de la Mission. Lors des états généraux sur le droit et la justice tenus en 2017, Nicole Maestracci avait évoqué à nouveau l’importance de l’actualisation des connaissances ; dans le cadre du colloque Magistrats : un corps saisi par les sciences sociales, elle s’était exprimée sur les carrières des magistrats, leur mobilité et l’identité des juridictions, des thèmes qui lui tenaient à cœur. (Voir Page 47 des actes du colloque).
Elle était également à l’origine de l’initiative QPC 2020 : dans la perspective du dixième anniversaire de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel avait lancé en 2018 un vaste appel à projets de recherche, destiné à établir en toute transparence un bilan interdisciplinaire sur la QPC. Nous l’avions interviewée à ce sujet (voir ITW de mars 2021) et elle nourrissait l’espoir « que cette première initiative ouvre d’autres voies de recherche ».
Plus tôt, elle avait initié la « Conférence de consensus sur la prévention de la récidive » une modalité dont elle avait pu mesurer l’intérêt lorsqu’elle était présidente de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT). Elle souhaitait « construire un socle de connaissances communes » (…) dont l’objectif « sans prétendre résoudre tous les problèmes était de faire partager les connaissances scientifiques issues du milieu académique au plus grand nombre » (voir ITW Lettre de la MRDJ mars 2013) ceci afin de pouvoir éclairer de façon objective et scientifique la question de la récidive, enjeu majeur pour la justice et la société.
Cet esprit brillant et humain que fut Nicole Maestracci manquera au monde de la recherche sur le droit et la justice, à celui de la justice et à toute l’équipe de l’IERDJ qui l’a connue. Valérie Sagant a fait part de toute son émotion à l’annonce du décès de Nicole Maestracci, rencontrée il y a plus de vingt-cinq années, « elle a accompagné et a fortement contribué à ma formation ; la hauteur de vue de sa conception de l’institution judiciaire lui permettait de formuler des analyses profondes et structurantes ; mais, elle ne s’arrêtait pas là, et a toujours cherché à mettre en pratique ses réflexions et ses engagements. Nicole a joué un rôle déterminant avec quelques autres dans la création du GIP Mission de recherche Droit et Justice et dans ses évolutions jusqu’à la création de notre nouvel Institut, toujours à nos côtés avec exigence et amitié. Elle nous manque déjà énormément.
Didier-Roland Tabuteau, nouveau vice-président du Conseil d’État a rappelé lors de la dernière assemblée générale du GIP, le 11 avril 2022 que Nicole Maestracci qui a été à l’origine de l’IERDJ – en tant qu’héritier de la Mission de recherche Droit et Justice – avait prôné la création d’une structure indépendante et pluridisciplinaire permettant d’éclairer le ministère de la Justice et tous ceux qui contribuent à l’Oeuvre de justice. « Le souci d’asseoir l’action publique sur des connaissances de haut niveau, argumentées, accessibles à tous a guidé son action dans toutes les fonctions qu’elle a occupées (…) elle a toujours eu comme ligne de conduite de réunir et d’analyser les connaissances disponibles en France et à l’étranger et de les confronter, d’en faire mieux connaître les résultats (…). Nous pouvons tous rejoindre ces préconisations, cette volonté d’excellence, d’ouverture et de pluridisciplinarité de la recherche sur le droit et la justice, ces préoccupations qui sont au coeur de la création de l’IERDJ à laquelle Nicole Maestracci a d’ailleurs directement participé l’an dernier, entendue par la mission de préfiguration. Elles sont comme un fil rouge qui continuera à nous guider et je sais que la force de conviction et l’intégrité intellectuelle avec lesquelles elle a su les imposer continueront à porter ses fruits ».