Arbitrage privé international et globalisation(s)
Mise à jour juillet 2019
LEMERCIER Claire, SGARD Jérôme
CSO (Centre de sociologie des organisations) CNRS - Sciences Po
Recherche débutée en 2011 - Achevée en 2015
Référence : 11-11
Type de projet : Projet spontané
Présentation de la recherche
Résumé de la recherche (mai 2015)
L’arbitrage privé international est une institution majeure des marchés globalisés : en conflit sur l’exécution d’un contrat, deux entreprises peuvent ainsi éviter le recours à un tribunal officiel, de quelque pays qu’il soit. L’arbitrage est souvent organisé par un forum qui forme le tribunal, apporte des règles de procédure et fournit une infrastructure administrative. Depuis la Convention de New York de 1958, une fois homologuée par un tribunal d’un pays signataire, une sentence arbitrale est mise à exécution bien plus aisément dans les pays tiers qu'un jugement officiel. Les agents privés disposent ainsi d’une grande autonomie institutionnelle et normative, à caractère largement extraterritorial, tout en conservant le bénéfice ultime des moyens de coercition propres aux États.
Cette institution n'a rien de naturel ou de spontané. Elle était inconnue lors de la première globalisation, avant 1914 : l'arbitrage ne se pratiquait alors que dans le commerce des matières premières et se fondait sur le droit anglais. C'est de l'entre-deux-guerres aux années 1950 qu'elle se développe et s'institutionnalise, en particulier autour de la Cour d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale (CCI), établie à Paris en 1923. Notre rapport décrit et éclaire cette institutionnalisation, sur la base de fonds d'archives variés portant sur l'activité d'arbitrage de la Cour et de ses concurrents, sur les débats à leur sujet et sur l'élaboration des protocole et conventions de 1923, 1927 et 1958 de la Société des Nations, puis de l'Organisation des Nations unies. Il ne suffit pas en effet, pour que des parties recourent à l'arbitrage international, de leur fournir une procédure et un cadre institutionnel adéquat. Il faut aussi que les États souverains entérinent et facilitent le recours à l'arbitrage, en assurant notamment l'exécution des sentences.
Loin d'apparaître comme une réponse toute naturelle à de nouveaux besoins des entreprises, l'arbitrage commercial international a été promu de manière déterminée par un petit groupe d'hommes, au départ peu prestigieux et sans grande légitimité juridique, mais qui sont parvenus à se constituer en interlocuteurs réguliers des organisations internationales et en experts d'un domaine encore en émergence. Ils pouvaient s'appuyer également sur les utopies d'un arbitrage pacificateur qui fleurissaient avant et après la Première Guerre mondiale. Au fil des premières affaires, rares et concernant de petits montants, traitées par la Cour de la CCI dans les années 1920, ils ont mis au point des solutions procédurales originales, constituant un arbitrage d'emblée réellement international, voire à ambition extraterritoriale, alors que les concurrents de la CCI restaient ancrés dans le droit anglais ou américain. Dès les années 1930, la Cour parvient à attirer litiges importants et arbitres prestigieux ; dans les années 1950, le nombre de litiges soumis entame la croissance impressionnante qu'il connaît encore aujourd'hui.
Mots-clés:
Arbitrage; Convention de New York ; globalisation ; CCI ; exécution ; commerce international ; Cour d'arbitrage ; extraterritoriale ; Première Guerre mondiale ; sentence arbitrale.
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