Justice et diversité culturelle (II)
Mise à jour juillet 2019
WYVEKENS Anne
CERSA (CNRS - Université Panthéon-Assas)
Recherche débutée en 2012 - Achevée en 2015
Référence : 12-19
Type de projet : Projet spontané
Présentation de la recherche
Résumé (juillet 2015)Second volet d’une enquête intitulée « Justice et diversité culturelle » qui visait à appréhender la façon dont la justice française prend (ou non) en compte la « diversité culturelle », cette recherche approfondit, sur le terrain plus limité de la justice familiale, le même questionnement : comment « la diversité » se manifeste-t-elle sur la scène judiciaire ? Comment les magistrats l’abordent-ils ? Sont-ils, en particulier, confrontés à des « conflits de normes » entre le droit du pays d’accueil et les systèmes de valeurs et les modes de vie de populations venues d’ailleurs ?
Le travail de terrain s’est déroulé dans le cadre de deux tribunaux de grande instance, l’un dans une ville moyenne du Sud-Est (SE), l’autre en Ile-de-France (IdF). La majeure partie du recueil d’informations, de type qualitatif, a consisté dans des observations d’audience et des entretiens avec les magistrats. Les audiences de conciliation avant divorce, où les justiciables se présentent en personne, ont été privilégiées. A SE, on s’est entretenu en outre avec des avocates et des greffières, ainsi qu’avec des fonctionnaires du service de l’état civil (bureau des mariages) de la principale ville du ressort. Un sondage quantitatif a complété l’enquête qualitative, sous la forme du dépouillement, dans les deux juridictions, d’échantillons de jugements d’annulation de mariage et de changement de prénom.
Un premier enseignement se lit « en creux » du questionnement de départ : contrairement à ce que l’on pouvait attendre, la diversité culturelle des identité ; – inégalité homme-femme, polygamie, répudiation, influence de la religion – est relativement absente de la scène judiciaire familiale. Cette absence en dit long d’abord sur la justice elle-même et les « silences » qu’elle induit : silence imposé par la temporalité d’une justice de masse, silence que s’imposent les justiciables eux-mêmes, soucieux de ne pas indisposer le juge. Silence dont le juge s’accommode, n’ayant lui-même ni le temps ni le goût de s’attarder à des « codes » qu’il connaît au demeurant fort bien.
L’élargissement des investigations conduit à modifier les contours de l’objet initial : la scène judiciaire familiale met en lumière une diversité différente de celle que l’on attendait. Les justiciables d’origine immigrée ne sont pas tant des « autres » différents de « nous », que des personnes se caractérisant par leur double appartenance. Qu’il s’agisse des couples, lorsqu’ils se défont, ou des individus, lorsqu’ils cherchent à modifier leur identité, les demandes qu’ils forment révèlent moins leur différence que le fait qu’ils se rattachent simultanément à deux univers, aux dimensions multiples – culturelles, géographiques, juridiques. Ils sont à la fois d’ici et d’ailleurs. La diversité que montre la justice familiale est le produit, complexe et sans cesse en mouvement, du phénomène migratoire.
Liens entre le mariage et la migration, liens entre le prénom et l’intégration, les pratiques contrastées des juridictions conduisent à s’interroger sur leurs déterminants, notamment locaux. Quant au discours des magistrats, avec ses variantes, il s’organise autour de deux pôles en tension : celui de l’individu immigré et des questions concrètes que pose sa double appartenance, celui du phénomène social de l’immigration, inquiétant pour certains, banal pour d’autres.
Mots-clés:
Diversité culturelle ; justice ; conflits de normes ; silences; la justice familiale ; mariage ; l'immigration ; l’intégration ; phénomène social de l'immigration.
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Rapport de recherche : Document non disponible