La socialisation professionnelle des surveillants de prison 1993-2017. Une perspective longitudinale, quantitative et qualitative
Mise à jour août 2020
GUILBAUD Fabrice
CURAPP, Université de Picardie Jules Verne
Recherche débutée en 2017 - Achevée en 07/08/2020
Référence : 17.07
Type de projet : Projet spontané
Présentation de la recherche
Ce rapport interroge la socialisation professionnelle des surveillants de prison et l’existence d’une culture professionnelle chez ces derniers, en s’appuyant sur les résultats du suivi de la cohorte de la 130e promotion des surveillants de l’Énap, débutée en 1993.
Cette cohorte a été interrogée six fois en 25 ans via un questionnaire, à quatre grands moments de la carrière : la formation ; l’entrée dans le métier ; le milieu de carrière ; la fin de carrière. La dernière interrogation a été complétée d’une analyse statistique de l’état actuel du groupe et 12 entretiens approfondis.
Il ressort notamment de cette enquête qu’en 25 ans, la satisfaction au travail s’est effondrée au point qu’une majorité des surveillants est devenue pleinement insatisfaite.
Les surveillants sont quatre fois plus nombreux qu’au début de la carrière à déclarer être entrés dans ce métier « par hasard ». On n’entre pas dans l’AP par vocation (80%) ; les surveillants ne conseillent pas à leurs amis ou proches d’entrer dans l’AP (71%), s’ils avaient pu, ils auraient choisi un autre emploi (69%).
Parmi les membres de la 130e promotion, 75% ont le statut de surveillant et n’ont pas connu de promotion ; 72% travaillent en détention. Ils considèrent que la prison est un lieu dangereux (88%) dans lequel ils jugent avoir suffisamment d’autonomie (77%) mais ils attendent à 78% un soutien sur le terrain de la part de la hiérarchie plutôt qu’un dialogue, attente qui devient plus forte avec le temps.
Pour trois surveillants sur quatre, ce qui est le plus important dans le métier c’est de pouvoir compter sur les collègues ou de travailler dans une bonne ambiance professionnelle. Mais 70% des surveillants estiment que leurs pairs manquent de motivation dans leur travail et 72% considèrent que la formation « laisse à désirer ».
En 2007, il semblait que sécurité de l’emploi, salaire net et statut protecteur contrebalançaient une satisfaction professionnelle en nette dégradation. Mais au bout de 25 ans de carrière, ces éléments ne suffisent plus.
Le rapport à la loi et aux règles professionnelles des surveillants, l’appréciation qu’ils portent sur l’administration pénitentiaire, son image, leur métier, montrent une pluralité qui, loin de former une culture professionnelle homogène, révèle des oppositions de styles normatifs, polarisées par la dimension satisfaction-insatisfaction au travail et un rapport pluriel à la règle et envers les personnes détenues.
Progressivement, il semblerait que la segmentation du métier de surveillant (politique de spécialisation : Eris, Prej, moniteur de sports, etc.) tende à constituer le travail de base, dans les coursives et aux étages, en « sale boulot » dans la division morale du travail.
Une des voies pour limiter l’insatisfaction professionnelle graduelle d’une vie de surveillant pourrait consister à mieux prendre en compte la pénibilité de certains postes et à conditionner l’accès à certaines fonctions spécialisées à l’ancienneté dans les fonctions de base.
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