La traite négrière vue par l'Ecole de Salamanque: propriété, liberté et commerce
Mise à jour décembre 2019
MARTINEAU Anne-Charlotte
Centre de théorie et d'analyse du droit (CTAD UMR 7074), ENS-Campus Jourdan
Recherche débutée en 2019-11-28 - Achevée en 2022-02-28
Référence : 19.09
Type de projet : Projet spontané
Présentation de la recherche
Ce projet de recherche part d’une interrogation : qu’ont dit les membres de l’École de Salamanque à propos de la traite négrière transatlantique ? Tandis que leurs discussions sur la nature et le traitement des Indiens d’Amérique sont connues, leurs réflexions sur la réduction des Africains en esclavage sont largement négligées voire ignorées des juristes, y compris des juristes internationalistes. Pourtant, ces réflexions sont des plus intéressantes et méritent d’être analysées en détail, et ce, pour deux raisons. D’une part, elles permettent de complexifier l’image encore hagiographique de l’École de Salamanque, dont les membres les plus éminents sont souvent considérés comme ayant posé les premiers jalons du droit international public. Il s’avère en effet que l’élaboration d’un droit des gens (ius gentium) régissant les relations entre États souverains s’est faite de paire avec l’élaboration de règles de droit privé visant à réglementer moralement les pratiques commerciales rendues possibles par la conquête du Nouveau-Monde. C’est précisément dans ce système de droit privé contractuel que s’est inscrite la question de la légitimité de la traite négrière. D’autres part, les réflexions de la seconde Scolastique permettent de s’éloigner des vocabulaires des droits de l’homme et du trafic des êtres humains, aujourd’hui dominants pour « parler » de l’esclavage, et de s’interroger sur les implications découlant de l’inscription de l’esclavage dans une pensée essentiellement économique, et plus précisément dans une économie morale. En cela, les écrits de l’École de Salamanque offrent un autre regard sur les notions de propriété et de liberté, lesquelles sont employées dans les débats contemporains relatifs à l’illégalité de l’esclavage.
Mots-clés : Histoire du droit international, traite négrière, esclavage, Ecole de Salamanque, analyse du discours
Abstract: How Did the School of Salamanca View the Slave Trade? Property, Freedom, and Trade
This research project is articulated around the following question: what did members of the so-called ‘School of Salamanca’ say on the transatlantic slave trade? While their discussions on the nature and treatment of the Indians (i.e., native Americans) are well-known, their writings on the enslavement of those who were called the ‘Ethiopians’ have been highly neglected if not ignored by lawyers, including international lawyers. Yet, the writings of 16th-century late scholastics on the issue of African slavery are highly interesting and potentially disturbing. They deserve to be analysed for at least two reasons. First, they offer a more complex image of the School of Salamanca, which is still often seen through hagiographic lenses by international lawyers. Indeed, Spanish theologians and jurists of the 16th century are often considered to be “the fathers” of modern international law. Yet, recent studies have shown that the law of nations (ius gentium), which governs the relations between sovereign states, was conceptualised together with private law rules governing ownership and exchanges. The latter were developed in order to regulate new commercial practices that emerged following the conquest of the Indies. It is within this private contractual framework that members of the School of Salamanca dealt with the question of the legitimacy of the slave trade. Second, the writings of Spanish theologians and jurists give us the opportunity to distance ourselves from the human rights and human trafficking vocabularies, which dominate the way we « talk » about slavery today. We thus have the occasion to examine the implications when slavery becomes subject to an economic thinking, a ‘moral economy’. Notions of property and freedom, in particular, acquire different meanings. This, we hope, sheds new light on today’s debate on slavery.
Keywords: History of International Law, Slave Trade, Slavery, School of Salamanca, Discursive Analysis
Note de synthèse : Document non disponible
Rapport de recherche : Document non disponible