Le juge et l'Outre-mer (Tome 7) : Le retour des argonautes
Mise à jour juillet 2019
DURAND Bernard, FABRE Martine
Dynamiques du droit (CNRS - Université de Montpellier)
Recherche débutée en 2010 - Achevée en 2013
Référence : 10-08
Type de projet : Projet spontané
Présentation de la recherche
Le programme sur le Juge Outre-mer s’achève avec les trois derniers tomes, dédiés au passage qui s’opère d’un « ensemble colonial » à des États indépendants. Sans doute, ce passage se manifeste-t-il surtout après la Deuxième Guerre mondiale. Mais, il fallait, dans le tome 7, tout à la fois marquer les dernières années qui, avant cette guerre, attestent des résistances à la colonisation, cherchent à faire progresser le droit, sont prises dans les mailles de l’international et en définitive sont déjà des années de doutes et de préparation au départ. Sans doute la glorification de l’Empire, dans les années 30, et ensuite la volonté de Vichy de le « tenir » à tout prix, peuvent-elles faire illusion mais le démontage colonial est déjà en marche. Il l’est déjà dans les convictions que martèle le système des Mandats et de son extension espérée à toutes les colonies. En peu d’années, une succession de transformations va dessiner une colonisation en voie « d’interrogations ». D’où ce premier chapitre intitulé « Partir et/ou rester ». Mais cette recherche au long cours rendait aussi nécessaire de « faire le point » et de prendre acte que tout n’avait pas été dit, en particulier sur quelques thèmes qui nous semblaient manquer aux ouvrages précédents : des tribunaux de commerce originaux, des conseils du contentieux administratifs, des questions électorales liées au statut de citoyens… ! Mais surtout ces derniers espaces encore « coloniaux » méritaient que l’on « ouvre » la route à une recherche qui dépasse de très loin le programme qui avait été retenu et s’ouvre sur une « Mer » dont on voit bien qu’elle est au cœur, dans ses dimensions les plus juridiques, à la fois internationales et internes, des réalités coloniales. Aussi bien fallait-il la « reprendre ».Ce sera, dans un sens tout autre, le thème du tome 8, consacré aux « décolonisations et au repli de l’État » : démantèlement des structures administratives, gestion du retour de ses agents, « démontage » de l’institution judiciaire. De 1955 à 1962, les décolonisations impliquent la réintégration dans la fonction publique métropolitaine des fonctionnaires et hauts fonctionnaires ayant eu une mission spécifiquement coloniale… ou leur mise à disposition des nouveaux pays indépendants. Et ce repli partiel méritait que l’on en étudie les conditions, tant elles révèlent que l’État a travaillé au coup par coup et de manière empirique, territoire par territoire, chacun bénéficiant d’un texte spécifique. C’est tout à fait logiquement que l’accent a été mis sur l’institution judiciaire coloniale. Chaque Traité d’indépendance s’accompagne d’une Convention judiciaire, dont on voit bien qu’en maintenant une assistance technique, elle permet non seulement de préserver une certaine « interdépendance » mais également de régler le sort des affaires en cours en les « rapatriant ». L’étude de ces conventions fait apparaître des différences appuyées selon les États, ce qui n’est pas innocent pour l’avenir des relations entre les deux pays mais aussi, déjà, pour l’acculturation qui y est conduite par les magistrats restés en place. Mais, c’est en métropole même que, replacées devant des juges métropolitains, les affaires en cours vont faire naître une jurisprudence atypique. Ignorants, pour beaucoup d’entre eux, des questions coloniales, ils ont dû rendre des décisions d’autant plus inédites qu’elles ne pouvaient s’appuyer sur aucun texte. C’est dire combien ces magistrats (sur les « dettes algériennes », les accidents du travail, les contrats d’assurance), confrontés aux évènements (ainsi la guerre d’Algérie), ont dû tenir le rôle de remparts juridiques dans cette période tourmentée.
Nous avons jugé qu’il fallait aller plus loin encore et accepter le constat que, cinquante ans après les décolonisations, il existe encore de nombreuses décisions concernant les rapatriés. D’où un dernier tome, le tome 9, consacré au « juge et les rapatriés », soit presque un million et demi de personnes à réinsérer en métropole. L’analyse détaillée et exhaustive du contentieux relatif à la réinsertion des rapatriés, depuis 1960 (plus de 2000 décisions) et la question des anciens colonisés « réfugiés », majoritairement des Harkis, qui vont revendiquer reconnaissance et leur indemnisation, permettent d’apprécier le rôle du juge dans ces périodes atypiques et sa gestion de la décolonisation. Prêts de réinstallation, indemnisations pour les uns, indemnisations aussi mais également « reconnaissance » pour les autres (confrontés à la question de la nationalité, de la défense d’une communauté), tels sont les problèmes qui sont posés aux juges. Aussi sont-ils condamnés à marier maîtrise des techniques juridiques, recours au Conseil constitutionnel ou à la Cour européenne, suppléant aux insuffisances de la loi et gérant parfois l’irrationnel et la passion.
Bernard Durand et Martine Fabre
Mots-clés:
États indépendants ; juges ; deuxième Guerre mondiale ; institutions judiciaires ; jurisprudence atypique ; questions coloniales ; rapatriés ; techniques juridiques ; Conseil constitutionnel ; irrationnel.
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Rapport de recherche : Document non disponible