Les conflits judiciaires dans les relations de franchise
Mise à jour juin 2021
Marc Fréchet, Odile Chanut
Université Jean Monnet Saint-Étienne
Recherche débutée en 2017 - Achevée en 2021-01
Référence : 17-50
Type de projet : Projet spontané
Présentation de la recherche
Alors que le besoin de disposer d’instruments permettant de décrire, voire de prédire les décisions de justice se fait plus pressant, les études scientifiques sur ce thème demeurent rares. Notre travail s’est efforcé de répondre à ce besoin. Nous y étudions les conflits judiciaires dans les contrats de franchise. La franchise, largement répandue comme forme de commerce, s’entend comme un contrat dans lequel existent des asymétries d’information, de pouvoir, et de ressources. Le franchiseur transmet un actif immatériel, notamment le savoir-faire, qui peut être difficile à évaluer a priori. Le franchisé, quant à lui, créancier résiduel, peut adopter des comportements opportunistes et/ou ne pas honorer ses obligations pendant le contrat – notamment financières –, ou post-contractuelles. Et dans les faits, la relation de franchise s’avère parfois conflictuelle, ce qui génère un abondant contentieux. Il s’agit d’un terrain particulièrement propice pour étudier l’impact des chefs de demandes que s’opposent les parties, ainsi que les rapports de forces existant entre elles.
En l’occurrence, la description de ce contentieux a été développée à partir de la construction d’une base de données issue du codage de 775 décisions de cours d’appel rendues sur la période 2006-2018, complétée d’informations de nature comptable et financière de la base DIANE. Un travail préliminaire d’analyse de ces décisions permet d’identifier la prédominance de certains chefs de demande, la fréquente position de demandeur et appelant du franchisé, ou encore, dès ce stade, le fort décalage, en termes de ressources, entre le franchiseur et le franchisé qui s’affrontent.
Le cœur du travail de recherche a été d’identifier les facteurs expliquant l’issue des procès. Les résultats montrent que le procès est plus périlleux pour les franchisés : ils sont condamnés en appel plus souvent que les franchiseurs, avec des montants de condamnations en moyenne supérieurs à celles pouvant exister à l’encontre des franchiseurs. Les modèles conduisent toutefois à des scénarios plus élaborés. Il est ainsi possible de déterminer les chances de succès d’une partie en fonction des combinaisons d’arguments que celle-ci a soulevées. Il existe ainsi des situations où les chances de succès du franchiseur peuvent être réduites à 35 % tandis qu’elles peuvent dans d’autres circonstances s’élever à 90 %.
Ces résultats sont nuancés lorsque l’on tient compte de la partie qui a assigné. En réalité, le demandeur, auteur de l’assignation, obtient en moyenne un résultat positif en appel, qu’il soit franchisé ou franchiseur. Ce résultat suggère que les franchisés, qui ont assigné leur franchiseur parviennent eux aussi à sélectionner les instances qui leur procurent un gain financier. Symétriquement, lorsque le franchiseur a assigné, les demandes reconventionnelles des franchisés sont peu efficaces. Le franchiseur paraît dans ce cas fortement maître de l’instance et les résultats montrent qu’il hésite d’autant moins à engager l’action que ses ressources financières sont importantes. Beaucoup semble dépendre donc de l’auteur de l’assignation, laquelle dépend à son tour en partie des caractéristiques individuelles des partenaires, telle que les ressources financières.
A l’issue de ce travail, nous en soulignons les apports théoriques et pratiques. Peu de travaux en sciences sociales avaient proposé des modèles explicatifs des résultats obtenus au cours des instances, à l’exception de ceux, en droit de la famille, sur la prestation compensatoire. Nous prolongeons ces travaux dans un autre domaine, celui de la relation commerciale. Un autre apport théorique est la tentative d’intégrer dans le modèle des caractéristiques individuelles issues de base de données financières, pour estimer le rôle de la capacité financière inégale des parties à assumer les coûts du procès. Au plan pratique, l’étude montre la faiblesse judiciaire du franchisé en appel, plus encore dans ses demandes reconventionnelles. Les limites du travail relatives à la nature des données utilisées sont exposées et invitent le lecteur à la prudence dans l’utilisation des résultats.
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