Les juridictions et les instances publiques dans la mise en œuvre du principe de non-discrimination: perspectives pluridisciplinaires et comparées
Mise à jour juillet 2019
MERCAT-BRUNS Marie, PERELMAN Jeremy
École de droit de Sciences Po
Recherche débutée en 2014.05.01 - Achevée en 2016.07.12
Référence : 13.35
Type de projet : Appel à projets
Programme : AO Le principe de non-discrimination à l’épreuve du droit et des institutions chargées de sa mise en œuvre
Présentation de la recherche
La discrimination est une notion juridique qui pénètre progressivement dans le corpus juridique français, dans le contentieux et dans le discours institutionnel mais non sans résistances. L’interdiction de la discrimination tire sa force de son ancrage en droit international et droit européen mais sa consécration interne ne garantit pas sa mise en œuvre effective par les juridictions et les institutions; celles-ci se l’approprient mais manifestent parfois une certaine incompréhension de ce droit ou une certaine réserve sur son usage excessif. L’actualité illustre également une réaction au repérage des discriminations dans l’opinion publique et dans le discours institutionnel qui exprime une peur des dérives du multiculturalisme et des préoccupations économiques et sécuritaires.Objectifs de la recherche :
Dans ce contexte, les auteurs de ce projet de recherche proposent une analyse pluridisciplinaire commune des politistes et juristes. L’objectif est de vérifier si les juges et les institutions confirment ces appréhensions à la mise en œuvre de la non discrimination ou simplement investissent peu ce champ du droit pour privilégier la promotion d’instruments alternatifs de médiation ou de prévention des discriminations et de recherche, d’autres discours sur l’égalité et la cohésion sociale, issus de la soft law. Il s’agissait de faire ressortir, de manière transversale, les zones de résistances ou d’innovations dans la mise en œuvre de la non discrimination par les juges et les institutions en France et aux Pays-Bas.La question n’était pas forcément de savoir si on trouve davantage de discriminations dans le contentieux mais plutôt de savoir comment la non discrimination est mobilisée.
Méthodologie:
L’intérêt de la recherche est l’ampleur de son champ et l’usage d’une grille de lecture commune pour les entretiens des politistes et des juristes. En science politique, il s’agissait d’analyser les enjeux politiques qui sous-tendent, à la fois les avancées et les résistances quant à la mise en œuvre du principe de non-discrimination en France et aux Pays-Bas. L’analyse juridique a recouvert des analyses jurisprudentielles en droit civil, administratif et en droit du travail français, complétées en droit administratif et en droit du travail par une analyse d’entretiens des juges notamment. Cette observation triangulaire a ensuite été enrichie par un dialogue interdisciplinaire et comparé des résultats obtenus.
Principaux résultats :
Le droit de la non-discrimination dans sa mise en œuvre semble freiné par diverses disparités et ambivalences. Des ambivalences tiennent au décalage entre, d’un côté, la présence non négligeable du contentieux dans certains domaines (droit du travail, droit administratif) et la volonté d’introduire une action de groupe et d’autres critères (précarité sociale) et, de l’autre, la résistance des responsables institutionnels et des politiques à l’inflation du contentieux, la mobilisation de certains critères uniquement et l’absence de visibilité de certaines discriminations dans la jurisprudence. Est relevée une disparité entre un discours valorisant la prévention des discriminations et un discours de diversification des sanctions qui perdure pour les discriminations considérées les plus graves (racisme, antisémitisme). Se banalise un discours de simplification du droit qui contraste avec une complexité grandissante de l’acte discriminatoire prohibé (qui peut être plus subtile, implicite, multiple, systémique, couplé au harcèlement et à l’atteinte aux libertés). Cette ambivalence et ses disparités dans la mise en œuvre du droit de la non-discrimination semblent signifier l’absence d’une réelle politique antidiscriminatoire qui prendrait le « droit au sérieux », en dehors des actions du Défenseur des droits et de l’évolution vers l’adoption d’une action de groupe. La plupart des acteurs de la société civile et des responsables politiques interrogés cantonnent leur vision du combat à l’encontre de quelques discriminations (origine et sexe) en évoquant, le cas échéant, le critères de la précarité sociale qui vient d’être adopté. Cette perception reflète une absence de réflexion plus large sur la justification des autres critères discriminatoires et l’assimilation de la lutte contre les discriminations à une lutte sociale, plutôt qu’à un combat pour les droits fondamentaux de la personne.
Mots-clés:
Discrimination ; principe de non discrimination ; racisme ; perspectives comparées ; droit international ; droit européen ; préoccupations économiques ; soft law ; analyse pluridisciplinaire ; droits fondamentaux de la personne.
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