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Cet ouvrage tend un miroir à facettes multiples, devant lequel chacun peut s’interroger sur son propre rapport au corps, saisi par des injonctions souvent contradictoires: individualisation croissante d’un côté, tendance à l’uniformisation de l’autre. Parallèlement, la régulation globale se trouve de plus en plus structurée en problématiques « santé », inféodées pour partie au pouvoir médical, pouvoir soumis aux mêmes injonctions, édifiées en vérités plurielles, que l’ensemble de la société contemporaine. L’articulation entre sociologie et anthropologie engage une dynamique réflexive qui permet de mettre en lumière à la fois les souffrances et les marges de manœuvre des acteurs.

Quel est le point commun entre la sexualité et… le contact des cadavres ? Entre des pathologies somatiques lourdes, comme le cancer ou le sida, et… la situation carcérale ? Assurément le corps. Qui plus est, le corps mis en péril.

Philippe Combessie (dir.), Corps en péril, corps miroir. Approches socio-anthropologiques, Nanterre, Presses universitaires de Paris Nanterre, coll. « Le social et le politique », 2017 – 150 pages

-> A noter dans cet ouvrage :

L’article de Lara Mahi questionne la part d’autonomie dont disposent des personnes incarcérées dans la gestion de leur corps et de leur psyché. L’auteure analyse la façon dont les détenu.e.s utilisent la balance lors de consultations médicales durant l’incarcération, mais surtout la façon dont le poids est mobilisé auprès des soignants comme un argument pour obtenir des compléments alimentaires difficiles d’accès. Dans une situation où le corps des détenu.e.s est contraint par les conditions d’enfermement (alimentation collective servie par l’établissement pénitencier, faible activité…), se peser quand l’occasion se présente et parler de son poids permet aux détenu.e.s d’objectiver les transformations de leur corps, et d’en faire des repères associés à une trajectoire en prison, le poids devenant alors le marqueur de différentes étapes du processus pénal.

C’est avec cette même attention portée aux discours et aux pratiques des acteurs que Guillaume Brie analyse le rapport des condamnés pour pédophilie aux soins médicaux. Après avoir rappelé que « la prise en charge sanitaire des auteurs d’agressions sexuelles sur mineurs constitue une politique de contrôle des corps » (p. 102), Guillaume Brie montre que ce contrôle s’exerce de façon différenciée selon les ressources, en particulier oratoires, dont disposent les condamnés : le capital culturel joue ainsi comme une variable déterminante de leurs attitudes face au traitement psychothérapeutique, qu’il s’agisse de coopérer en adhérant à l’injonction au soin ou de résister par une critique du dispositif. Ainsi, les détenus les moins dotés en capital culturel adoptent le rôle de malade que leur assigne l’institution, ou s’y résolvent avec fatalisme. Au contraire, les personnes plus dotées culturellement s’engagent dans un travail introspectif d’autoanalyse, tout en produisant des discours critiques sur le système médico-pénal.

(Textes issus d’un compte-rendu de Laurine Thizy).

Philippe Combessie (dir.)

Professeur à l’université Paris Nanterre. Il est à l’origine en 2009 de la création du Laboratoire d’analyses socio-anthropologiques du contemporain (Lasco). Il développe des recherches sur l’enfermement carcéral (depuis 1989), les comportements de pluripartenariat amoureux et sexuel (depuis 2003) et les mises en scène de la mort (depui 2014). Il dirige l’unité de recherche Sophiapol (EA3932) depuis 2015.