Depuis sa création en 1994, la Mission de recherche Droit et Justice soutient des travaux concernant les mineurs et explorant les multiples rapports qu’ils entretiennent avec le droit et la justice. Qu’il s’agisse de projets présentés en réponse aux appels qu’elle a lancés (1) ou de propositions émanant directement d’équipes issues du CNRS et des universités, ces recherches apportent leur concours à la compréhension des besoins et des spécificités des mineurs confrontés à la justice, qu’ils soient accusés de faits de délinquance, considérés comme étant en danger, placés sous main de justice en milieu ouvert ou fermé, suivis ou placés au titre de la protection de l’enfance dans leur propre famille, en famille d’accueil ou en établissement, ou simplement concernés par un droit de garde ou d’hébergement dans le cadre du divorce de leurs parents, etc.
Pour le cadrage des sujets qu’elle promeut, comme pour le suivi scientifique des équipes de recherche qu’elle assure, la Mission de recherche Droit et Justice bénéficie des éclairages et de la collaboration de la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) ainsi que de l’Observatoire national pour la protection de l’enfance (ONPE) qui cofinancent à ses côtés certains de ses travaux consacrés aux mineurs.
La Mission revient ici sur les recherches les plus récentes conduites sous son égide, en lien avec les principales dispositions de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) qui fête cette année ses 30 ans.
Ces travaux, le plus souvent pluridisciplinaires sollicitent le droit, la psychologie, la sociologie, les sciences de l’éducation, l’ethnographie, l’éthique, l’économie de la famille, etc.
Préserver les liens familiaux de l’enfant
L’article 9 de la CIDE indique que l’enfant ne doit pas être séparé de ses parents contre leur gré et que si la séparation s’avère nécessaire, par exemple lorsque les parents maltraitent ou négligent l’enfant ou lorsque les parents vivent séparément, le droit de l’enfant séparé de ses deux parents ou de l’un d’eux d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents doit être préservé, sauf si cela est contraire à son intérêt supérieur. |
Rendue en 2017, la recherche coordonnée par Émilie Potin (Université de Rennes) intitulée « La correspondance numérique dans les mesures de placement au titre de l’assistance éducative » (2) interroge les potentialités offertes par les médias socio-numériques dans les situations de placement au titre de la protection de l’enfance pour le maintien des liens entre le mineur protégé et sa famille d’origine (parents, fratrie, famille élargie) et la régulation de leurs usages par les professionnels.
En 2013, une autre recherche « Enfants, parents et professionnels en protection de l’enfance », dirigée par Annick Madec, Alain Penven et Émilie Potin (Université de Bretagne occidentale) (3), analyse la participation et la coopération des acteurs familiaux dans le cadre de l’accompagnement des jeunes faisant l’objet d’un placement judiciaire dans un service d’action éducative en milieu ouvert (AEMO).
Garantir les droits des mineurs dans la procédure judiciaire
L’article 12 de la CIDE indique que l’enfant qui est capable de discernement a le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité. À cette fin, la possibilité doit être donnée à l’enfant d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un représentant ou d’une organisation approprié. |
En 2018, l’équipe de recherche coordonnée par Blandine Mallevaey, issue des universités de Lille, a remis son rapport final « Audition et discernement de l’enfant devant le juge aux affaires familiales» (4) à la Mission de recherche Droit et Justice. Cette recherche a abouti à la formulation de 55 recommandations destinées à favoriser le respect du droit de l’enfant de participer aux décisions judiciaires familiales qui le concernent, dans le respect de sa parole et de son intérêt supérieur.
L’article 40 de la CIDE reconnaît à tout enfant suspecté, accusé ou convaincu d’infraction à la loi pénale le droit à un traitement qui soit de nature à favoriser son sens de la dignité et de la valeur personnelle, qui renforce son respect pour les droits de l’homme et les libertés fondamentales d’autrui, et qui tienne compte de son âge ainsi que de la nécessité de faciliter sa réintégration dans la société et de lui faire assumer un rôle constructif au sein de celle-ci. |
Rendue en 2014, la recherche « Trajectoires sociales, carrières judiciaires et politiques pénales : une analyse quanti-qualitative de trois populations de mineurs passés par le TGI de Nanterre » (5), conduite par Laurent Bonelli (Université Paris Nanterre), retrace les trajectoires socio-judiciaires de mineurs âgés de 15 ans passés par un tribunal de grande instance ayant fait l’objet d’une saisine du juge ou de mesures alternatives aux poursuites.
Protéger l’enfant vulnérable ou en danger
L’article 22 de la CIDE prévoit qu’un enfant qui cherche à obtenir le statut de réfugié, ou qui est considéré comme réfugié, doit bénéficier de la protection et de l’assistance humanitaire voulues pour lui permettre de jouir de ses droits. Lorsque ni le père, ni la mère, ni aucun autre membre de la famille ne peut être retrouvé, l’enfant doit se voir accorder la même protection que tout autre enfant définitivement ou temporairement privé de son milieu familial pour quelque raison que ce soit. |
En 2013, le rapport final « Actualiser et complexifier la typologie des motifs de départ du pays d’origine des mineurs isolés étrangers présents en France », coordonné par Angélina Etiemble et Omar Zanna (Collectif de recherche et d’intervention en sciences humaines et sociales) (6) propose une typologie des profils et des parcours migratoires des mineurs isolés étrangers dont certains sont exploités par des réseaux.
L’article 34 de la CIDE engage ses États signataires à protéger l’enfant contre toutes les formes d’exploitation et de violence sexuelle. À cette fin, ils doivent prendre toutes les mesures appropriées pour empêcher que des enfants ne soient incités ou contraints à se livrer à une activité sexuelle illégale et pour qu’ils ne soient exploités à des fins de prostitution ou à d’autres pratiques sexuelles illégales. |
La Mission de recherche Droit et Justice soutient actuellement la recherche « Étude sur la représentation des travailleurs sociaux accompagnant des mineures en situation de prostitution. Analyse franco-canadienne », dirigée par Aziz Essadek (Université de Lorraine), débutée en 2019. Ce travail entend explorer la prostitution juvénile dans les contextes sociaux et légaux de la France et du Canada et élaborer des recommandations auprès des travailleurs sociaux qui accompagnent des mineurs en situation de prostitution dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance (ASE) et de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ).
Sur un sujet connexe, les travaux conduits par Sophie Jehel consacrés au rôle des images dans la construction identitaire et les vulnérabilités des jeunes, achevés en 2017 (7), dessinent des pistes en direction des parents et des professionnels pour mieux accompagner les mineurs dans l’appréhension des images violentes, sexuelles et haineuses auxquelles ils sont, involontairement ou non, exposés.
Accompagner les mineurs sous main de justice
L’article 37 de la CIDE prévoit que tout enfant privé de liberté soit traité avec humanité et avec le respect dû à la dignité de la personne humaine, et d’une manière tenant compte des besoins des personnes de son âge. Tout enfant privé de liberté doit être séparé des adultes. |
La recherche soutenue par la Mission « D’une institution de prise en charge à l’autre. Pour une étude des socialisations institutionnelles des mineurs sous main de justice », coordonnée par Laurent Solini et Jean-Charles Basson (Université de Toulouse III) (8), va se terminer à la fin de l’année. Basée sur une enquête conduite dans un Établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM), elle entend analyser les effets de la prise en charge éducative des mineurs et comprendre les conséquences de leurs passages ou transferts fréquents d’une institution de prise en charge à une autre (foyers, centres éducatifs fermés, prisons, etc.).
La Mission de recherche Droit et Justice a également financé ces dernières années plusieurs recherches consacrées à la prise en charge et à l’accompagnement des mineurs par les professionnels et au travail éducatif en milieux ouvert et fermé : « L’ordre éducatif recomposé. De l’art de la prudence dans l’accompagnement des mineurs sous main de justice » de Catherine Lenzi et Bernard Peny (2015) (9) ; « Analyse de la délinquance des filles mineures et de leur prise en charge » par Dominique Duprez, Cindy Duhamel et Élise Lemercier (2016) (10); « Le travail éducatif contraint en milieu ouvert dans la prise en charge pénale des mineurs » par Catherine Lenzy, Philip Milburn et Nicolas Sallée (2017) (11).
Ces travaux contribuent au repérage des bonnes pratiques professionnelles et à leur réflexion.
La Mission de recherche Droit et Justice tient à souligner le dynamisme et la qualité des chercheurs avec lesquels elle se félicite d’avoir collaboré sur ces sujets aussi délicats que cruciaux pour la justice et ses acteurs quotidiens.
Toutes les recherches, en cours ou achevées, soutenues par la Mission sont présentées sur son site Internet : http://www.gip-recherche-justice.fr/
(1) Sur le métier de juge des enfants, la connaissance de la population des mineurs pris en charge par les services de la protection judiciaire de la jeunesse, la mise en danger des adolescents, l’éducation à la citoyenneté, le traitement des jeunes délinquants en 2003-2005 ; les établissements pénitentiaires pour mineurs en 2008 ; les relations familles/mineurs dans les lieux d’enfermement en 2009 ; l’action éducative auprès des mineurs délinquants en 2010 ; la délinquance des filles mineures en 2011 ; le travail quotidien des professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse en 2017 ; les mixités en prison en 2019.