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08 novembre 2011
Huissier de justice : les dernières évolutions de la profession
« Plusieurs décrets renforcent le rôle de l’huissier dans notre société »
Les décrets du 25 juillet 2011, du 23 septembre 2011 et du 3 octobre 2011 rénovent les conditions d'exercice de la profession d'huissier de justice.
Ecoutez l'interview de Ludovic Jariel, magistrat, chef du bureau de la réglementation des professions au ministère de la Justice et des Libertés :
Quatre décrets concernant la profession d'huissier de justice viennent récemment d'être publiés. Quels en sont les enjeux ?
Ludovic Jariel : Ces textes répondent aux attentes de la profession en améliorant l'efficacité de son action pour le plus grand bénéfice des justiciables.
Ils renforcent également le rôle occupé par l'huissier de justice dans notre société en rénovant ses conditions d'exercice et en lui confiant de nouvelles missions.
L'organisation de la profession est parallèlement profondément modifiée afin de l'adapter aux enjeux de notre temps.
Toutes ces évolutions constituent la marque de la reconnaissance, par les pouvoirs publics, du rôle sociétal de l'huissier de justice.
Le décret du 25 juillet 2011 ouvre aux huissiers de justice la possibilité d'exercer leur profession en tant que salarié. Quel est l'apport de ce nouveau mode d'exercice ?
LJ : La loi du 22 décembre 2010 relative à l'exécution des décisions de justice, aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires, a effectivement permis aux huissiers de justice d'exercer en qualité de salarié.
Le décret du 25 juillet définit les conditions dans lesquelles les huissiers de justice salariés exerceront leur mission ainsi que leurs modalités de nomination et d'entrée en fonction.
L'huissier de justice salarié, je tiens à insister sur ce point, sera pleinement membre de la profession et en exercera donc la totalité des attributions. Son statut lui permettra de concilier l'indépendance professionnelle, la subordination liée au contrat de travail et la qualité d'officier public.
Ce nouveau mode d'exercice renforcera l'attrait de la profession d'huissier pour les jeunes diplômés et instituera un moyen efficace de promotion interne pour le personnel.
Le décret du 23 septembre 2011 modifie les conditions d'exercice des activités accessoires réalisées par les huissiers de justice, qu'il s'agisse des activités d'administrateur d'immeuble ou d'agent d'assurance. Pour quelle raison ?
LJ : Il s'agit de moderniser et de simplifier l'exercice par les huissiers de ces activités accessoires.
L'autorisation préalable du procureur général est remplacée par un mécanisme de déclaration et de contrôle a posteriori.
Ainsi, les huissiers de justice pourront exercer les activités accessoires d'administrateur d'immeuble et d'agent d'assurances après en avoir informé leur chambre régionale et le procureur général.
Ce décret du 23 septembre 2011 permet également aux huissiers d'exercer une activité de médiateur. Pourquoi une telle réforme ?
LJ : Le code de procédure civile prévoit que le juge peut confier une mesure de médiation à un médiateur. Ce dernier doit remplir des conditions de moralité, posséder la qualification requise, justifier d'une expérience adaptée et présenter des garanties d'indépendance.
Les huissiers de justice présentent, de par leur statut, les conditions requises pour remplir de telles fonctions. Ils y sont particulièrement préparés puisqu'au quotidien, ils apaisent les tensions, trouvent des solutions aux conflits qui leur sont soumis.
Le décret du 23 septembre leur ouvre en conséquence l'activité de médiation y compris aux huissiers de justice salariés.
Un second décret du 23 septembre 2011 modifie l'organisation professionnelle des huissiers de justice. Quels sont les grands changements ?
LJ : La loi du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et de certaines professions réglementées instaure une plus grande représentativité des délégués à la chambre nationale des huissiers de justice.
Ils seront désormais élus par l'ensemble des huissiers de justice relevant de chaque chambre régionale. Auparavant, le système électoral était indirect puisque les représentants de la profession étaient les seuls à voter.
Tout en mettant en œuvre ce nouveau régime électoral, le décret du 23 septembre améliore également la gouvernance des organismes professionnels.
Ainsi, pour assurer une plus grande stabilité, la durée du mandat des membres de la chambre départementale est portée de trois à six ans.
Le cumul des mandats de président de la chambre départementale, de président de la chambre régionale et de délégué à la chambre nationale est désormais interdit.
Justement, le rôle des chambres régionales des huissiers de justice évolue. Quelles sont les nouvelles attributions de ces chambres régionales ?
LJ : La loi du 22 décembre 2010 attribue aux chambres régionales des huissiers de justice des attributions relevant auparavant des chambres départementales. Cela concerne la compétence disciplinaire et le contrôle des obligations des huissiers de justice en matière de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
Par ailleurs, le décret du 23 septembre définit les conditions dans lesquelles les chambres régionales des huissiers de justice siègent en chambre de discipline.
Quant à la vérification des obligations des huissiers de justice en matière de lutte anti-blanchiment, elle sera désormais réalisée dans le cadre des inspections de leurs études organisées par les chambres régionales.
Il s'agit là d'instaurer une plus grande impartialité des organismes de contrôle de la profession.
Enfin, le décret du 3 octobre 2011 introduit une obligation générale de formation continue pour l'ensemble des professionnels du droit. Quelles sont les nouvelles dispositions pour les huissiers ?
Il fixe la durée de cette nouvelle obligation à 20h par an ou 40h au cours de deux années consécutives. Elle sera applicable dès le 1er janvier 2012.
L'accent est mis sur les jeunes huissiers qui devront, au cours des deux premières années d'exercice professionnel, consacrer au moins 20 heures à des formations portant sur la gestion d'un office, la déontologie et le statut professionnel.
Cette formation continue sera le gage de la qualité des missions assurées par les huissiers au profit tant des usagers que de l'institution judiciaire.